Mugar : la gavotte du bled

Drôle de titre pour une drôle de rencontre...

A l'époque où il y avait encore des petits disquaires passionnés, j'allais me fournir chez mon dealer de Metal qui proposait des CD à prix presque coûtant puisque sans intermédiaires et autres requins. 
Alors que j'arrive à sa caisse, il me dit "Pixie, j'ai un truc qui devrait te plaire !".
Il me tend un scud dont la jaquette me laisse perplexe, enfourne le CD dans le bouzin et met la ouache. 

Tout le monde écoute et il se passe un truc rare, assez exceptionnel en fait : on a tous la banane ! Certains esquissent même une gavotte ! (ouais, ben allez faire ça à la FNAC !).

Je repars avec ma galette (presque bretonne) et 27 ans plus tard Kabily-touseg¹ est toujours aussi hallucinogène pour mon imagination vagabonde.

Mugar la rencontre de deux univers musicaux

Mugar désigne un endroit dans l'Atlas où se rencontraient les tribus berbères et en kabyle² ça signifie "rencontre". Nom on ne peut plus approprié pour cette formation musicale !

La rencontre a lieu non pas au mythique mont Atlas mais plus prosaïquement à Paris lors de l'édition 1996 su Printemps Celte à la Grande Halle de la Villette.
Trois hommes sont à l'initiative du projet : Youenn Le Berre, Nasredine Dalil et Michel Sikiotakis.

 Au constat des points communs entre musique celtique et musique berbère, ces trois musiciens chevronnés regrouperont autour d'eux d'autres passionnés, professionnels ou amateurs, venus de France et d'Algérie.
Si à cette époque le concept de musique fusion n'est pas nouveau, il reste un phénomène encore un peu à la marge.

Deux CD et une reconnaissance internationale 

Mugar n'a sorti que deux albums, "Kabyl-touseg" en 1998 et "Penn ar bled" en 2005. 

Entre compositions originales, reprises et adaptations, c'est un mariage à trois qui unit musique bretonne, kabyle et irlandaise, mariage si réussi qu'il leur assurera une notoriété non seulement en France mais en Europe et dans le Maghreb. 
Les plateaux télé (Michel Drucker ou Tv Breizh) les accueillent, les festivals et les tournées s'enchaînent (jusqu'en 2023).
Les critiques de la profession sont tout aussi enthousiastes lors de la sortie des deux albums.

On peut dès lors s'interroger sur le silence qui a suivi leurs débuts remarqués.
L'explication tient probablement dans la nature même de la formation. Plus qu'un groupe constitué tel qu'on l'entend habituellement, Mugar est plus un collectif qui s'agrège autour des trois fondateurs, sans line up vraiment établi. D'autre part, Youenn Le Berre, Nasredine Dalil et Michel Sikiotakis mènent chacun de son côté une vie professionnelle dense.

En attendant un éventuel retour au détour d'un fest, je vous invite à partager l'enthousiasme de Youenn le Brestois de Belleville (Ouest France 27/02/2014) qui vous dit ça bien mieux que moi.

La musique kabyle, en particulier, est très proche de la musique bretonne, au niveau des rythmes et des modes. C'est incroyable, Quand Nasredine nous a fait écouter des chansons traditionnelles kabyles chantées par des vieilles femmes, pour les gens qui ne parlent pas breton, on aurait pu croire que c'était des gavottes, en plus avec une langue qui a des consonances proches du breton.

 

Notes

1↑ En vannetais le terme touseg signifie "crapaud". Ici, il s'agit probablement d'un jeu de mot sur kabell-touseg qui signifie "champignon" en breton. 

2↑ Les Berbères (Touaregs, Chaouis, Rifains...) sont le peuple natif de l'Afrique du Nord. Les Kabyles sont les Berbères d'Algérie. La langue kabyle est d'origine berbère mais si certaines tribus ont accepté une arabisation de leur langue, ce n'est pas le cas des Kabyles qui veulent bien être qualifiés d'Algériens mais certainement pas d'Arabes.