J'ai commencé ce billet lors de la bataille de Marioupol et je n'étais pas très chaude pour le publier.
Pourquoi ?
Parce que à mes yeux le nationalisme est la forme dévoyée et perverse du patriotisme.
Il est souvent le misérable cache-sexe d'idées qui n'ont rien à voir avec le patriotisme : le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie crasse, la haine de l'autre, ou de tous les autres car Dieu reconnaîtra les siens.
Parce que au fil de l'Histoire nationalisme et extrêmes tant de droite que de gauche (armée stalinienne, Vietcongs, Khmers Rouges) ont copulé pour enfanter des monstruosités telles que je condamne l'un et l'autre avec le même acharnement.
Un peu bêtement j'ai un peu tout mis dans le même sac, peut-être influencée par une oreille parfois complaisante aux media.
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| Bataillon Azov (Raphaël Lafargue/ABACA-Le Point 2022) |
Ce billet n'aurait peut-être jamais été mis en ligne si depuis trois ans je ne m'étais documentée.
La séquence dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche et "l'accord" trouvé ce 11 mars me font franchir le Rubicon.
Marche du patriotisme au nationalisme
A mes yeux il n'est rien de pire que ces nationalistes de plateaux télé ou de réseaux sociaux, qui transmettent la peur telle une vérole intellectuelle mais qui viennent lécher la main de plus fort qu'eux, prêts à vendre leur pays et leurs "idéaux" aussi crados qu'ils soient pour une petite miette de pouvoir.
Ils se ruent qui à Munich autrefois, qui à Moscou, qui à Washington pour rejouer la poignée de main de Montoire en nous choisissant de nouveaux maîtres, posant fièrement avec des suzerains étrangers. Un comble pour qui se dit "nationaliste" !
Quant à mourir pour leur patrie, faut quand même pas déconner !
Le seul nationalisme qui, à défaut de m'être supportable, me paraît plus compréhensible est celui né des souffrances et du martyre imposés par un envahisseur ou un oppresseur étranger.
Quand on écrit dans le sang des chapitres entiers de l'histoire d'un peuple, le patriotisme s'exacerbe et le besoin de revanche -sinon de vengeance - pousse à des extrêmes difficilement défendables.
Le nationalisme pousse sur le terreau des massacres et l'Ukraine a eu son lot qui a connu deux grandes périodes génocidaires, l'Holodomor et la Shoah, sans parler des déportations massives dans les régions "libérées" et russifiées.
Marche Nationaliste ou Marche du bataillon Azov ?
Comme presque toujours avec Internet, quand on veut tirer le fil d'Ariane d'une info, on tombe sur un écheveau emmêlé qu'il faut patiemment démêler pour arriver à un début de vérité.
Ainsi en est il pour ce chant qui est tantôt présenté comme "Marche de la Nouvelle Armée" ou comme "Marche du bataillon Azov" tantôt comme " Marche Nationaliste Ukrainienne.
Comme beaucoup j'ai d'abord pensé que c'était bien la Marche du bataillon Azov. Maldonne car cette formation a son hymne propre, la "Marche des Héros".
Mon erreur a été induite par la partie parlée de cette marche. Mon fil d'Ariane m'a menée à la vidéo ci-après.
Tournée suite aux funérailles de soldats tués à Kharkiv en 2015, on y voit le récitant et une majorité des répondants portant les écussons du bataillon Azov et il m'a fallu plusieurs vues pour remarquer les insignes de l'armée régulière.
Dans ce chant, la partie parlée est extraite de la Prière du Nationaliste (ici en Fr), écrite par Osyp Mashchak, un des leaders de l'Organisation des Ukrainiens Nationalistes, fin des années 1920, tout début des années 30 (les dates varient selon les sources) et remaniée depuis.
Pourquoi cette assimilation avec le bataillon Azov ?
Crée en 2014 lors de la guerre du Donbass, le bataillon Azov est un groupe paramilitaire d'extrême droite, largement inspiré par les théories de l'essayiste française Dominique Venner qui reprend les thèses nazies.
Suite à la signature du Protocole de Minsk le bataillon Azov est intégré à la Garde Nationale ukrainienne sous la présidence de Poroshenko. lui-même nationaliste, qui les cajole.
Quand en 2019 Zelensky tente de trouver une voie diplomatique au conflit du Donbass (ce que Poutine refusera), les Azov n'hésitent pas à menacer le pouvoir.
Cependant, avec son intégration dans la Garde Nationale puis le Pacte de Réconciliation voulu par l'actuel président, le discours néonazi s'est nettement infléchi, y compris parmi les dirigeants.
De tous les groupes et groupuscules nationalistes, ce bataillon va devenir le plus célèbre, y compris à l'étranger. Oubliées les exactions, il devient le symbole de résistance à l'envahisseur russe. Rapidement, les volontaires rejoignent ses rangs pour défendre leur pays.
Des membres de la communauté ukrainienne juive rejoignent le bataillon Azov, certains feront même partie des cadres d'Azov. Alors que le gouvernement israélien évoque des "mercenaires", certains de ces combattants répondront dans le journal Times of Israël en mars 2022 dont Daniel Kovzhun qui résume les motivations de cet engagement.
Il y avait des Juifs orthodoxes dans le régiment Azov. Je le sais parce que j’y étais, sur la ligne de front. Tout le monde se fichait de savoir qui était Juif, tout ce qui nous intéressait était de garder notre pays unifié
Que ce soit par son rôle d'instructeur militaire auprès des civils ou par sa farouche combattivité, le bataillon Azov devient le symbole de la résistance à l'envahisseur russe.
La bataille d'Azovstal (Marioupol) consolidera le mythe et, comme on ne prête qu'aux riches, cette Marche de la Nouvelle Armée devient vite la Marche du Bataillon Azov sur les réseaux sociaux.
A tort.
L'autre hymne d'une Ukraine indépendante
Si en tant que Français nous pensons que l'histoire de l'Alsace-Lorraine fut tumultueuse, c'est une aimable partie de rigolade à côté de celle de la Galicie !
Au fil des guerres et des accords de paix sans cesse violés, cette province ukrainienne proche de la frontière polonaise '(oblast de Lviv) est passée sous les dominations russe, polonaise, autrichienne dans un va-et-vient historique propre à provoquer un prurit nationaliste géant !
Au fil des articles consacrés à l'Ukraine, j'ai évoqué plusieurs périodes de l'histoire de ce pays.
Exit la courte indépendance qui vit l'hirondelle de Shchedryk prendre son envol dans le monde, fin des années 20 l'Ukraine est une république soviétique comme les autres, tandis qu'au Kremlin Staline prend le pouvoir ce qui va être catastrophique pour les Ukrainiens.
Suite à la mise en place d'une Nouvelle Politique Économiques (NEP) une sorte d'économie de marché s'est mise en place avec une forme d'autogestion industrielle et paysanne qui assure une relative prospérité. Intolérable pour Staline !
Il lance le premier plan quinquennal dont les mamelles sont collectivisation et confiscation. Et pour ceux qui ne comprennent pas, ces affreux koulaks qui exploitent les travailleurs et rêvent de capitalisme, le GPU et la NKVD (ancêtres du KGB, aujourd'hui FSB) vont leur enseigner les joies du soviétisme. La conséquence immédiate est une première grande famine entre 1928 et 1929.
J'écris plus haut que le nationalisme pousse sur le terreau des massacres et si nous sommes aujourd'hui amplement informés de ce qui se passa au XXème siècle, en réalité les graines furent semées bien plus tôt.
En effet, on évoque rarement les déportations massives des ethnies considérées comme non "russo assimilables" qui débutèrent dès le XVIIIème siècle sous le règne du tsar Pierre 1er et continuèrent par la suite.
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| Déportés ukrainiens - construction de Saint Petersbourg |
Rien de tel pour vous transformer un patriote en farouche nationaliste !
Retour en Galicie orientale qui, à cette période, a été cédée à la Pologne (traité de Riga) par les bolcheviks. qui la récupéreront suite au pacte germano-soviétique.
A majorité peuplée d'Ukrainiens, la Galicie orientale se voit imposer une "polonisation" forcée. C'est dans ce contexte que sera écrite la première version, la Marche des Nationalistes ukrainiens. Ce chant se répand dans l'Ukraine en ébullition où les mouvements de protestation se multiplient et sont réprimés dans le sang.
La Marche des Nationalistes devient l'hymne officiel de l'OUN (Organisation des Nationalistes Ukrainiens).
Avec les deux grandes vagues d'extermination que furent l'Holodomor puis la Shoah, le texte sera remanié plusieurs fois.
Pourtant cet hymne sent le soufre en raison du ralliement de certains nationalistes à la SS qui, au déclenchement de l'invasion nazie (Opération Barbarossa été 1941) virent les Allemands comme des libérateurs (à l'instar de Russes Blancs).
La violation des frontières par les Russes avec la guerre de Donbass et l'annexion de la Crimée en 2014, réveille le nationalisme ukrainien et l'ultime version, portée par les combattants du Donbass (dont Azov) fait le tour de l'Ukraine mais aussi du monde : sur différentes périodes, ce chant est relayé par des youtubeurs en Corée, au Japon, en Argentine, etc.
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| Poroshenko - défilé du 22 août 2018 à Kyiv |
Devenu la Marche de la Nouvelle Armée, il sera officialisé le 22 août 2018 pour devenir l'hymne de l'armée ukrainienne. Le président Petro Poroshenko l'entonnera de la tribune présidentielle lors du défilé commémorant le centenaire de la proclamation de la République Populaire Ukrainienne.
Un hymne qui a de l'avenir ?
La Marche de la Nouvelle Armée n'est plus seulement militaire. Elle trouve désormais un écho auprès des civils pour qui la phrase du poète Taras Cheventchenko (1814/1861) "L'Ukraine ne mourra pas !" (hymne national) n'est pas qu'un vague mantra.
Avec l'élection de Trump, ses volte-face, son soutien ouvert à Poutine et les évènements des 3 et 11 mars, les Ukrainiens se sentent sinon trahis (quoique...) mais abandonnés. Leur confiance dans les traités, accords et autres protocoles est quasiment nulle. Même si leur confiance en l'Europe reste encore positive, ils doutent à raison de notre capacité à modifier la donne.
Ce matin journalistes, chroniqueurs et autres spécialistes militaires annoncent que cette guerre est terminée. Si ça pouvait être vrai !
Les opérations de déstabilisation continueront comme en 2014, Poutine va remuscler une armée qui en trois ans n'a pas réussi à conquérir l'Ukraine (le vrai but du Kremlin) et qui a dû faire appel à l'étranger pour pallier aux insuffisances de sa grande armée. Rien que pour libérer Koursk, il a dû envoyer 60 000 hommes (dont 10 000 Coréens) pour déloger 10 000 Ukrainiens.
Il mettre à profit ces 30 jours pour faire tomber Zelensky et le remplacer par un Loukachenko ou un Khadyrov qui re-vassalisera le pays.
Le Monde Diplomatique titre "L'Ukraine a perdu la guerre", mais la Russie quant à elle ne l'a pas "gagnée". Pas militairement.
Inférieurs en nombre, en armement, les Ukrainiens ont résisté avec l'acharnement de ceux qui se battent pour leur patrie.
Les Ukrainiens mettront encore plus de foi à chanter "Ukrayina ! Ponad use !!!"
merci de cette page d'Histoire
RépondreSupprimerpour la paix qui se profile, enfin
on verra ce qui va se passer
les impérialismes americains et russes vont s'occuper de la petite Ukraine
quand on pense que l'Amerique s'est gagnée
par des migrants qui on fait aux indiens ce que Poutine fait en Ukraine
"Paix" ? Ce n'est pas une paix ! C'est un cessez-le-feu, donc temporaire, le temps que les Américains se "remboursent" sur les minerais avant de partir en disant "Et maintenant, démerdez-vous !".
SupprimerÇa ne fait quasiment pas de doute dans l'esprit des Ukrainiens avec qui j'échange. Mes amis russes en sont convaincus.
Trump va donner à Poutine ce qu'il veut, en s'asseyant sur le Mémorandum de Budapest (comme tous les autres signataires) qui, à sa décharge, était assez peu clair quant aux "garanties" territoriales. Comme pour la Tchécoslovaquie qu'on a sacrifiée à Hilter.
Si tu veux mettre un Yankee en PLS, dis-lui qu'il a génocidé les Amérindiens. Y z'aiment pas du tout!