22 août, 2024

Gojira Paris 2024 : entrée dans la légende olympique

Qu'on aime le sport ou pas, qu'on ait suivi ces jeux Paris 2024 ou pas, tandis que s'annonce l'heure des bilans, il en est un, incontestable : ces Jeux Olympiques Paris 2024 ont marqué les esprits et l'histoire des J.O. avec des jeux au cœur de la ville et une cérémonie d'ouverture extraordinaire.

Je n'ai pas suivi cette cérémonie pour x raisons personnelles mais grâce à Internet j'ai pu visionner certains de ses moments forts et le fait est qu'il y a eu du lourd, du très lourd.
Et du lourdingue dans les réactions...

Douze tableaux se sont succédés dont deux ont enflammé la Toile a priori et a posteriori, parfois bien loin de l'esprit olympique et de celui des Lumières.

Pour la métalleuse que je suis un de ces temps forts fut la présence du groupe Gojira.
Petit retour en arrière pour cet article "à tiroirs" où musique, théâtre et histoire se donnent rendez-vous.

Gojira opening Olympic Games 2024 in Paris

Fallait-il inviter Gojira ?

Je parie un billet pour le futur concert de Mireille Mathieu contre un pass Hellfest que si ça avait été l'item d'un sondage auprès des Français, la réponse aurait massivement été "NON".

Quant j'ai appris la présence de Gojira, si je n'avais pas été bien calée sur mon postérieur j'en serais tombée de ma chaise !
Pour un peu je me serais posé la question "Mais que vont-ils aller foutre dans cette galère ?!".
Question qui prouve que je peux être largement aussi con qu'un internaute de base.

La seule solution : prendre le temps de l'analyse... plus ou moins objective probablement malgré mes efforts.

"Ça ira !", thématique d'une cérémonie hors normes

Plus sérieusement, à l'instar de nombreux français, l'annonce du noms des artistes pressentis m'a interpelée.
Si les noms de Lady Gaga et de Céline Dion étaient archi consensuels et représentaient zéro prise de risque, ceux de Philippe Katerine, Aya Nakamura et Gojira n'allaient vraiment pas d'eux-mêmes !
Ouais ben rigolez pas ! Suite à la polémique soulevée par la présence éventuelle d'Aya Nakamura, depuis avril c'est le nom d'Afida Turner qui serait sorti du chapeau d'Estanguet pour la remplacer !

Sans chercher plus loin, les haters en tout genre se sont déchainés, notamment les sympathisants de la droite extrême et les ultra conservateurs qui pour un peu en aurait fait appel aux mânes d'Édith Piaf !
Hormis Gojira, je n'aime vraiment aucun de ces artistes mais ma première réaction fut de saluer cette diversité qui traduit celle notre tissu culturel, n'en déplaise aux Bidochon de service pour qui la France c'est encore béret basque, baguette, kil de rouge et crucifix.

Thomas Jolly, directeur artistique de cette incroyable cérémonie, a intégré dans son équipe l'historien des villes, Patrick Boucheron, qui lève enfin le voile sur la thématique et la réalisation des douze tableaux présentés au monde entier.
Dans un entretien passionnant pour Grand Continent, il explique :

Or l’imagination est aussi une vertu historienne, et sa valeur citoyenne en fait une pratique de l’hospitalité. Dans le cas présent, nous avons voulu raconter l’histoire d’une ville qui accueille le monde et qui fait parade de ses puissances imaginantes, des puissances qui sont le contraire de la force, puisqu’elles n’ont rien de martiales — quand la patrouille de France décolle, c’est pour dessiner un cœur dans le ciel de Paris.

Dès lors, difficile de ne pas évoquer la Révolution française qui, dans le sang certes, fit naître dans le monde tant d'espoir.

Marina Viotti sur la nef emblème de la ville de Paris (AFP)

Gojira, un choix révolutionnaire

Le pari était osé, fou et bien plus disruptif que celui de Aya Nakamura car même si le phénomène Hellfest a permis au Metal de sortir du ghetto sataniste où media mainstream (M6 et Canal+) et ultra cathos ont voulu l'enfermer, le genre est encore un sujet brûlant qui donne lieu à des polémiques d'un autre âge.

Le death metal venu des Landes

En 1996 les frères Joseph (chant et guitare) et Mario (batterie) Duplantier forment le groupe Godzilla, du nom du célèbre lézard mutant issu des essais nucléaires. Ce choix n'est pas anodin car il reflète déjà les préoccupations écologiques du groupe.

Quand ils sortent leur premier album "Terra Incognita", le public metal français est un peu désarçonné. Si c'est à n'en pas douter du death metal, le son est à la fois complexe et chiadé, se démarquant de la scène habituelle. L'accueil du public est enthousiaste et au fil des albums, rares mais hyper travaillés, la carrière du groupe s'envole.
Suite à la sortie de son film "Godzilla", Roland Emmerich fait déposer la marque et le groupe se rebaptise Gojira, prononciation japonaise pour Godzilla, pour éviter les conflits commerciaux.

Meilleure exportation musicale française (tous genres confondus) aux USA, Godjira tourne avec les plus grands noms de la scène metal (dont Metallica).
Il est le premier groupe français à être entré en tête du Billboard Hard Rock Albums et sera nominé trois fois aux Grammy Awards.

Mais aux yeux et aux oreilles du grand public français, jusqu'au 26 juillet dernier, Gojira était inconnu.

Gojira et les J.O. : les réactions de Mario Duplantier.

Quand on est le plus grand groupe de death français du moment, que ressent-on avant, pendant et après un tel évènement, à ce jour unique dans les annales des J.O. (Nickelback qui joua au J.O. de Vancouver; s'il délivre un rock dur n'est pas forcément assimilé metal, en tout cas à mille lieues du death metal) ?

Christian Lamet a recueilli les impressions encore pleines d'émotions du batteur après un tel évènement.


Un tableau épique de la Révolution

Sans rien ôter à l'impact des autres tableaux (dont la superbe prestation de Céline Dion sur la Tour Eiffel) sur les quelque 2 milliards de téléspectateurs qui ont suivi en direct la Cérémonie d'ouverture de ces JO, cette séquence est sans conteste celle qui aura le plus marqué les esprits et qui a probablement joué le plus grand rôle pédagogique.

Le contexte historique du tableau "Liberté"

Pour les quelques étrangers qui visitent ces pages mais aussi pour les haters de tout poil dont les commentaires sur le Net ont le seul mérite de révéler une ignorance crasse de notre histoire, une petite remise dans le contexte historique me parait nécessaire.

La Conciergerie pour toile de fond

Moins connue que la Tour Eiffel, le Palais du Louvre ou Notre-Dame de Paris, la Conciergerie est un des plus anciens monuments de Paris, ses fondations ayant été posées à l'époque gallo-romaine.
Devenu palais royal à la fin du Xème siècle, Louis XI et surtout son petit-fils Philippe IV dit Philippe le Bel en feront un centre administratif qui accueillera le Parlement de Paris.
Quand au XIVème siècle le roi Charles V fait du Palais du Louvre la résidence royale, il nomme un concierge qui, outre la charge des lieux, assure la justice dans le palais.
Ce concierge a des pouvoirs très supérieurs aux actuels directeurs pénitentiaires et sous son impulsion l'ex palais devenu désormais La Conciergerie devient une des plus grandes prisons du royaume.


On y rend également la Justice, sous la monarchie, puis sous la Révolution quand le Tribunal Révolutionnaire s'y installe en mars 1793.
La Conciergerie devient symbole de la Terreur. Le simple soupçon de pensées anti révolutionnaires suffit pour être arrêté et juger arbitrairement. Petit à petit, la Conciergerie accueille des prisonniers venus de toutes les prisons de France.
A noter que la Conciergerie accueille de nos jours la Cour de Cassation.

Marie-Antoinette, la reine au secret

Transférée début août de la prison du Temple, la reine Marie-Antoinette est certainement la plus illustre prisonnière de la Conciergerie.

Jusqu'à son procès qui s'ouvrira le 14 octobre, elle y vit recluse à l'écart des autres prisonnières, ses seuls contacts se limitant pratiquement à ceux qu'elle a avec ses geôliers.

Son procès durera deux jours. Outre les accusations de trahison, de dilapidation de fonds publics, le Tribunal Révolutionnaire ajoute celle d'inceste sur Louis XVII, son fils.
La malheureuse Marie-Antoinette clame son indignation et en appelle à la compassion des femmes et des mères présentes.
Rien n'y fera, les dés sont pipés : les Révolutionnaires veulent sa tête.

Marie-Antoinette quitte la Conciergerie pour son exécution

Le 16 octobre à 04:00 am le verdict de mort tombe après 20 heures de débats.
Elle sera décapitée le jour même à 12:15 am, place de la Révolution, notre actuelle place de la Concorde.

"L'effet" Gojira ? un tableau désormais culte

En douze tableaux la France a bouleversé les codes empesés et un peu poussiéreux d'une cérémonie qui a déjà réservé quelques surprises par le passé. Ces surprises se sont vite estompés des mémoires.

En sera-t-il de même avec ce tableau ?


"Liberté" : un choc historique et artistique

En rappel des évènements historiques ci-dessus, la séquence s'ouvre sur une Marie-Antoinette écarlate tenant sa tête dans ses mains.

NDLA : cette image, qui a fait crépiter bien des claviers, m'a beaucoup rappelé un auto-portrait en Marie-Antoinette de l'artiste japonaise Kimiko Yoshida. Au point que je me suis demandé si les metteurs en scène ne s'en étaient pas inspirés... Une réaction, chers Melomaniacs ?

D'une voix très "populo" la tête de la reine martyre entonne le refrain du Ça ira des sans-culotte quand explosent la batterie de Mario Duplantier et la basse de Jean-Michel Labadie.
Ça blaste ! Ça pulse dans les veines ! Le chant de Joe Duplantier et le mid tempo lourd portent les menaces et la violence de la colère des Révolutionnaires tandis que les effets pyrotechniques rappellent les explosions des canons (rappelez-vous le "Vive le son du canon" de La Carmagnole, autre chant de la Révolution) dont les sans-culottes s'emparèrent aux Invalides au matin du 14 juillet 1789.


Tandis que l'incarnation d'Arno Dorien, personnage du jeu "Assassin’s Creed Unity" qui se déroule  dans le Paris de la Révolution, observe la scène de l'autre rive en portant la flamme olympique, les chœurs annoncent l'entrée en scène (en Seine) de la chanteuse lyrique franco-suisse Marina Viotti.

Coiffée d'un bicorne à panache qui rappelle celui des membres de la Convention, elle entonne un Habanera (Carmen de Bizet) remixé pour la circonstance.
Elle est fièrement campée à la proue de la Nef de la Liberté, emblème de la ville de Paris.

 

La Nef de la Liberté, symbole marchand et politique de Paris

Cette Nef de la Liberté qui figure sur le blason de la ville de Paris depuis le XVIème siècle, renvoie à l'histoire fluviale et économique de la ville.

Quand en 58 avant JC les Romains occupent la Gaule, les deux îles situées entre les bras de la Seine, l'île Saint-Louis et l'île de la Cité (où sera bâtie la Conciergerie) sont habitées par les Parisii, un des 98 peuples gaulois. 

La Seine était à la fois un rempart naturel contre les invasions et la seule voie de communication et de commerce entre Lutèce, qui deviendra Paris en 366, et les rives droite et gauche.
Les échanges commerciaux passent par la  très puissante corporation des "marchands de l'eau". En 1210 ils obtiennent du roi Philippe le Bel un quasi monopole du trafic fluvial mais aussi un pouvoir politique considérable sur les îles. Dès cette année, le navire fluvial apparait sur le sceau qui marque les actes privés et publics de la corporation.

Ce bateau de rivière sera l'élément central du premier blason de la ville de Paris, adopté par ordonnance de la Prévôté des Marchands en 1556.

Depuis cette date, le graphisme évoluera pour finalement reprendre celui de 1412 (en 1942), le navire fluvial deviendra la Nef de la Liberté.
En 1853 apparait la devise qui restera celle de Paris, Fluctuat nec mergitur qui se traduit par "Il est battu par les flots, mais ne sombre pas" et qui symbolise la résilience de la ville au fil de son histoire agitée.
Suite aux attentats de 2015, cette devise figurera sur les nombreux messages laissés par les Parisiens et sur les deux immenses fresques dessinées par le collectif Grim Team, accompagnée du blason de Paris, place de la République et quai de Valmy.

A noter que la figure de Marina Viotti à la proue de la nef n'est pas sans rappeler la présence d'Isis sur le blason de Paris sous le Premier Empire.

Un tableau historique intense en symboles

Ce tableau est le tableau le plus politique, au sens large du terme, de cette cérémonie d'ouverture.

En moins de quatre minutes d'une mise en scène choc ses concepteurs, Thomas Jolly, Patrick Boucheron et Daphné Bürki (costumes) ont livré un condensé historique de cette épisode qui allait marquer l'histoire de notre pays et celle du monde.

Effets pyrotechniques, effet de jets de sang, reines et alignement de mannequins décapités, autant d'éléments visuels qui rappellent que la Révolution Française fut un des épisodes les plus sanglants de notre histoire, une guerre civile sans merci entre deux conceptions de société.
De cette période de Terreur, souvent marquée par l'arbitraire, sont nées la République et la Démocratie françaises, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Ces principes ont inspiré de nombreuses nations avec ce paradoxe quasi immuable si on excepte la Révolution des Œillets au Portugal : les  révolutions ont payé le prix du sang.


A mes yeux et à mes oreilles, le choc sonore entre la puissance du death metal des Landais et le chant lyrique de Marina Viotti illustre cette dichotomie historique.
"Réjouis-toi, le beau temps viendra" chante la soprano sous les rugissements de Joe Duplantier tandis que la Nef de la Liberté vogue sereinement vers le destin de Paris et de la France.

Polémiques et stupeur : un buzz international !

Pour tous les artistes, les cérémonies des Jeux Olympiques sont une formidable vitrine et une opportunité, sans commune mesure avec d'autres  évènements en mondiovision. Mario Duplantier le reconnait (voir plus haut).

Pendant plusieurs jours (et nuits), j'ai fait un tour du monde des réactions suscitées par la prestation de Gojira et le tableau "Liberté".

Des polémiques attendues et inévitables

Pour être honnête je m'attendais à un déferlement de réactions hyper hostiles, comme toujours quand il s'agit de Metal, surtout bourrin.
Sans vouloir en minimiser le nombre, j'ai été très étonnée par le ratio entre les "contre" et les "pour".

Même les métalleux s'y mettent !

Sans surprise, les catho et facho sphères furent vent-debout contre ce tableau ! On en attendait pas moins d'eux !
"Satanique !" est l'adjectif redondant (qui a d'ailleurs qualifié toute la cérémonie d'ouverture), "diabolique" vient ensuite et bien évidemment "piètre image d'une France décadente", ces critiques accompagnent régulièrement les prestations de groupes de Metal, au point qu'on aurait presque été déçus si elles n'avaient pas fusé ¿
Même réactions de la part des media ultra conservateurs, ici et à l'étranger avec une petite nuance chez nous : les media dits "mainstream" qui d'ordinaire sont au mieux goguenards, ont cette fois salué la performance, jusqu'au journal l'Équipe qui se demande si finalement le Metal n'est pas "la plus sportive des musiques".

Plus inattendues furent les polémiques de quelques métalleux ou de pseudo-spécialistes youtubeurs qui ont flairé la bonne aubaine pour leur chaine monétisée avec de bons gros titres racoleurs et "putaclics" : "Gojira trahi l'esprit metal" ou "Gojira trahit ses idéaux écologiques". 

L'autre polémique a porté sur le fait que Gojira aurait joué en playback, ce qui chez les metalleux relève du sacrilège.Dans une interview accordée au Point Pop, Mario Duplantier reconnait un mix des deux.
Faut-il s'en offusquer ? Non.
Ceux qui connaissent la problématique d'une sonorisation live conviennent que les circonstances exceptionnelles de cette performance pouvaient le justifier.

Ces polémiques, presque dérisoires, font long feu face aux réactions en France et à l'étranger émanant de métalleux et non métalleux.

Gojira met le feu à la Toile

Il y a fort à parier que le public massé autour de la Conciergerie n'était pas massivement acquis à la cause du Metal et pourtant... Quand on tend l'oreille, c'est une clameur quasi continue qui salue la prestation des Landais.
Effet de foule ? Assurément pas, enfin pas seulement car, je l'ai souvent souligné dans ces colonnes, le Métal est énergisant et, quoi qu'en pensent ses détracteurs, une musique qui apporte du bonheur.
Preuve par l'image.


Avant de vous livrer cet article, j'ai parcouru la Toile, visionnant pas moins de 150 vidéos pour avoir un aperçu aussi objectif que possible.

Parmi les 2 milliards de téléspectateurs qui ont suivi la cérémonie d'ouverture des J.O. en direct, nombreux furent ceux qui se jetèrent sur leur clavier  "Putain mec ! Va voir ça ! Du Metal aux Jeux Olympiques !".
Incrédulité générale car si le rock "dur" fut parfois présent, le Metal et a fortiori le Metal extrême n'a jamais eu droit de cité dans des évènements internationaux de cette envergure.

Pendant des heures j'ai vu des visages heureux, des marques de stupéfaction, des bouches rondes et des yeux écarquillés, et des têtes marquant le tempo.
"Wowww!"; "Oh my God !", "epic", "It's fucking crazy !", ou encore "historic", jusqu'à "La ceremonie la plus intense  de l'univers" : vous l'aurez compris nos petits frenchies ont mis la Toile en PLS ! D'ailleurs pour eux c'est acquis "Gojira a gagné la médaille d'or des Jeux Olympiques".
Du Japon au Mexique en passant par le Pakistan, c'est le même emballement.

Réactions extrêmes, me direz vous ?
Incontestablement ! Mais après tout, il est question d'une musique extrême qui procure des émotions intenses et le moment en lui-même est tout aussi extrême par son côté extraordinaire.
Ce qui m'a surprise c'est que cet emballement n'a pas touché les seuls métalleux mais aussi des intervenants qui n'ont jamais écouté de Metal de leur vie. Pêle-mêle, ils saluent la mise en scène, la prestation de Gojira avec un constat commun : l'énergie qu'ils ressentent.

Les images valent mieux que les mots et je vous livre cette première réaction qui résume presque toutes les autres.


A cette réaction instinctive mais somme toute sans surprise, je ne résiste pas au plaisir de lui "opposer" une autre réaction, cette fois assez inattendue.

Gojra aux J.O. : des Pakistanais livrent leurs impressions

On a beau s'en défendre, le monde occidental a une certaine tendance au nombrilisme, considérant qu'il incarne le must de la civilisation au sens large.
Cette forme de condescendance est sévèrement battue en brèche par la vidéo qui suit. Afin de mieux appréhender les propos des intervenants, il m'a paru important de les contextualiser.

Trybal est un collectif pakistanais, plus précisément de la province de Sindh, au sud. Cette province est pluri-ethnique. Le fait que la vidéo soit en pendjabi m'incite à penser que les intervenants seraient de confession sikh, religion de compréhension et de tolérance ; le fait  que des femmes participent aux analyses de ce collectif me conforte dans ce sentiment. Mais en raison de la tenue vestimentaire et des prénoms, je n'écarte pas totalement la possibilité que certains soient musulmans...
Le slogan de leur page Facebook illustre leur démarche : "Tribal people trying out world". Michael Jackson, AC/DC, Rammstein et jusqu'au black metal, ils explorent le monde occidental.



De toutes les vidéos que j'ai visionnées, celle-ci est celle qui se détache du lot par un réel souci de documentation en amont et par une vraie analyse
Adnan (à gauche en tunique bleue) est à la fois le documentaliste et l'animateur de l'échange et question documentation, il a fourni un travail complet, de l'histoire des Jeux Olympiques à celle de la Révolution française puis celle de Gojira et de ses orientations idéologiques.
A noter qu'il s'agit d'un montage de réactions individuelles (même si je parle improprement de trio).

"Wow wowww!", "Oh ! My God !", "Aye ayhe !" : même si le "trio" est plus statique que les métalleux, c'est le même enthousiasme pour la mise en scène et la prestation de Gojira.
Comme tout le monde, il salue le fait que la France ait cassé les codes de la cérémonie. Comme les autres, alors ? Oui mais pas que...
Quand Adnan explique que Marie-Antoinette fut condamnée pour ses dépenses inconsidérées, c''est d'abord Mashoque (tunique lilas) qui fait un parallèle avec le gouvernement pakistanais.
Puis, calmement, placidement Abdul (barbe et turban) lâche "On devrait montrer ça à tout le monde." et il déroule ses arguments en prônant la fin des pouvoir féodaux et financiers qui oppriment les peuples. "Il y a beaucoup de rouge. Le rouge c'est la couleur des révolutions [nécessaires] pour que les peuples aient une vie meilleure".
Sans être aussi radical, Muharam (tunique jaune) évoque à mots couverts la liberté des peuples à décider d'eux-mêmes à travers un gros tacle à l'encontre de Washington et la volonté hégémonique, ou à tout le moins interventionniste, américaine.

Contrairement aux réactions françaises, frisant parfois l'hystérie, aucun n'a vu dans le tableau "Liberté" la moindre trace de satanisme ! Seraient-ils plus progressistes qu'une certaine frange de notre pays ou ont-ils tout simplement analysé ce tableau pour ce qu'il est, un rappel de notre histoire nationale et de sa portée internationale ?

Bilan : y a-t-il eu un "effet" Gojira ?

Sans surprise, à mon humble niveau d'amoureuse de la musique et de fan de Metal, je réponds "oui".

Le premier effet est d'avoir fait sortir le Metal du ghetto culturel dans lequel on l'enfermait.
Que les métalleux, ceux qui se revendiquent "true metal" se rassurent : le Metal ne deviendra jamais un genre mainstream mais désormais preuve est faite qu'il est une composante de la culture et qu'il peut parfaitement intégrer de grands évènements officiels sans risque de voir s'ouvrir les portes des enfers d'où jailliraient des légions de créatures plus sataniques les unes que les autres !¿

Le deuxième effet de ce tableau "Liberté" est un effet que je qualifierais de "patrimonial".
Des centaines de milliers de spectateurs et d'internautes ont eu la curiosité de se renseigner sur notre histoire, même partiellement, mais désormais ils connaissent Marie-Antoinette, les procès  de la Révolution et ils ont découvert un monument souvent ignoré, la Conciergerie.
Cet effet est absent des autres tableaux pour lesquels les commentaires portent majoritairement sur les costumes, la coiffure, les chaussures (authentique !) sans curiosité excessive quant au lieu de tournage. Ah ! Quelle poilade d'entendre notre Garde Nationale qualifiée de simple fanfare !

Le troisième effet risque de surprendre tous ceux qui souhaitaient l'échec de cette cérémonie, tous ceux qui parlant de "décadence" évoquaient une France qui "se ridiculise aux yeux du monde".
Si le tableau de la Cène a suscité bien des polémiques, le fait d'avoir sélectionné un groupe de death metal pour illustrer la "Liberté" a au contraire été globalement favorablement salué par la presse internationale.
Chez les métalleux ça vire au plébiscite enthousiaste ! Et peut-être un peu à l'envie. "La France a osé !".
"La France est fière de sa culture !" et ça va jusqu'à "La France a eu les couilles de le faire !". Certes, ce n'est pas de l'élégance "à la française" mais ça faisait bien longtemps que notre audace n'avait pas été saluée, sinon à la fashion week.
Pour cette occasion, on peut vraiment parler d'exception culturelle française.

Alors, fallait-il inviter Gojira ?
Certainement oui car au-delà du genre, cette invitation montre qu'au delà des genres, il ne sert à rien de bâillonner la Musique : elle trouve toujours son chemin vers le cœur des hommes.



5 commentaires:

  1. J'ai apprécié leur prestation dans la cérémonie d ouverture
    je ne les connaissais pas

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    1. Quoiiii ? Tu ne connaissais pas Gojira ???!!! ^^ ;D
      Je les ai vus au Hellfest et c'est puissant, bien plus que là.
      Par contre, pour toutes les raisons ci-dessus, le choix coule de source a posteriori

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  2. Bonjour,

    et bien, quel article
    tu as bein documenté l'affaire
    bien expliqué le groupe de metal et les alentours de ces scenes de Liberté
    un peu choqué mais cela a passé, pour moi aussi
    quoique l'on fasse il y aura toujours des haters, des critiqueurs et des faut qu'on (ou faux cons)


    Vendredi est arrivé
    Et sur vos blogs les amis je vais
    Vous souhaiter à chacun
    Un bon weekend de soleil dès le matin


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    1. Coucou Phil

      Voui, je sais, c'est long à lire mais comme tu l'as compris depuis le temps j'oscille entre blog et site.
      Déjà, le moment est exceptionnel.
      Mais surtout, je me suis rendu compte que les sites officiels ont peu documenté les séquences et que du coup certaines séquences sont incompréhensibles.
      C'est quand des potes, Français, m'ont dit "Franchement, je ne vois pas ce que ce bateau vient foutre là !" que j'ai pris le parti d'entrer dans les détails.
      Puis j'ai été entraînée dans mon élan ! lol
      Bisous

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  3. Coucou Pixelie !
    Merci beaucoup pour ces explications. J'ai regardé une partie de cette cérémonie en famille.
    En fait, vu de l'extérieur de la France, il manquait des explications en direct. Je me suis bien doutée que ces images impressionnantes d'une femme en rouge qui tient sa tête décapitée entre ses mains n'avait pas grand'chose à voir avec les jeux olympiques.
    J'ai bien pensé qu'il s'agissait de la révolution, Marie-Antoinette. Par contre, je ne connaissais pas ce chateau (la conciergerie). Je me demandais à chaque tableau où c'était !
    J'ai été surprise plus d'une fois, mais qu'un groupe de métal joue ne m'a pas trop étonnée, car il représente une partie de la population française, comme d'ailleurs Nakamura. Il est vrai que je m'attendais à quelque chose de plus traditionnel et déjà vu. L'accordéoniste était présent sur un pont et Edith Piaf, par exemple, comme ça été le cas en fait.
    Le bateau de Paris, je ne connaissais pas non plus.
    C'était assez violent en effet tout ce rouge sang et je me disais que c'était un message du monde des artistes à tous les oligarques qui ont remplacé les aristocrates.
    Tu vas rire car dès que le métal a commencé, j'ai pensé à toi !!! Mdr ! Je me suis dit que tu en ferais un article !!!
    Je pense que comme c'était une diffusion internationale, il aurait fallu mieux expliquer.
    Tout d'un coup j'ai vu un gars tout bleu, des femmes à barbes, je n'y comprenais plus rien !
    L'athlète masqué qui courait sur les toits de Paris, c'était une bonne idée, j'ai aussi pensé au jeu video.
    La garde républicaine et Aya, j'ai bien aimé ce mélange inhabituel.
    La mongolfière aussi... mais il n'était pas possible de tout comprendre. Je ne m'attendais pas à ça !
    Incroyable la video du Pakistan. Ils commentent avec un regard neuf et des analyses pertinentes.
    Merci pour ton travail d'éducation ! J'ai pas fait de recherches et tes explications ont bien répondu à mes interrogations ! On ne peut qu'être curieux de l'histoire et en tirer des leçons !
    Bonne nuit ou bonjour et à bientôt j'espère !
    Bises,
    Sosolune

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