10 août, 2024

Tita Merello - La Piaf argentine

Il y a quatre ans je suis tombée amoureuse !
Pour alimenter ce blog, je muse, je suis les caprices de ma souris et si souvent je zappe, je m'arrête aussi pour découvrir quelque mélodie nouvelle. Et puis il y a ces rencontres, rares mais intenses, comme  celle-ci qui me fit découvrir une icône de la culture argentine : Tita Merello.

Pour nous, c'est un nom inconnu à moins d'être passionné par la culture argentine et le tango mais en Argentine elle est star au cœur du peuple dont elle est issue.

Elle n'est pas spécialement belle et n'a pas la voix d'une Mercedes Simon ou d'une Azucena Maizani, stars de l'époque. Sa beauté sauvage, comme taillée à coup de serpe, est loin des critères habituels et colle aux rôles dramatiques qu'elle interprètera. On compare souvent "La Morocha" (la Brune) à la star italienne Anna Magnani.

Tita Merello c'est une femme avec des corones grosses comme ça ! 

Tita Merello - source Periodico Vas Buenos Aires


Elle a la voix gouailleuse, un peu acide à ses débuts mais dont la tessiture se réchauffera au fil de sa carrière.  Mais quand elle chante, elle y met tout son tempérament et ça, ça parle au cœur plus encore qu'aux oreilles.
Pourtant, c'est peu dire que c'était mal barré pour celle qu'on appellera aussi "La Vedette rea" (la vedette racaille), qui continuera d'émailler ses propos de lunfardo (l'argot de Buenos Aires).

Tita, la fille des larmes

Ana Laura Merello voit le jour le 11 octobre 1904 dans le quartier de San Telmo, un des quartiers les plus misérables de Buenos Aires. Son père meurt quand elle n'a que quatre mois.
Sa mère la reconnaît quatre ans plus tard... pour mieux l'abandonner dans un foyer où en guise de tendresse elle ne connait que la peur, la honte et la misère. Scolarisation ? Néant !
A dix ans elle devient bouvière dans une estancia où à l'âge de douze ans elle perd sa virginité et probablement bien des illusions ! Elle y gagne une lucidité teintée de cynisme.

Mon enfance a été brève. L'enfance des pauvres est plus courte que celle des riches

Vers ses seize ans elle revient à Buenos Aires où elle est engagée comme choriste dans un bar mal famé du port.

Tita Merello enterre Ana Laura


On est en 1920 et elle chante du tango dans des cafés concerts plutôt miteux où viennent s'encanailler les bourgeois. Elle commence à s'y faire un prénom, Tita.
Elle chante le tango canyengue, tango originel à la réputation sulfureuse, au rythme marqué hérité des esclaves noirs.
C'est le tango des canailles auquel la voix et la personnalité de Tita se prêtent parfaitement.
Si vers plus tard elle interprète des tangos orillero (Alberto Castillo) et  cachador (Carlos Gardel), sa personnalité est telle que les scénaristes n'hésiteront pas à intégrer du canyengue dans leurs films, rien que pour elle.


La revanche de La Vedetta rea

Un riche protecteur la prend sous son aile et grâce à lui, elle apprend à lire et écrire à vingt ans.
Elle continue de chanter dans les cabarets et elle est engagée pour des petits rôles au théâtre. Le public est séduit par cette femme au tempérament de dure-à-cuire qui n'a pas la langue dans sa poche.

La Morello n'est pas du genre à se faire entretenir. Féministe avant l'heure, mais surtout femme fière qui a une sacrée revanche à prendre sur la vie, elle décide qu'elle ne devra sa réussite qu'à elle-même. La vie lui offre une opportunité et Tita s'en empare, assumant totalement que sa vocation n'a initialement rien d'artistique.

 Je ne suis pas née [en tant qu'artiste] par vocation mais par faim

En 1927 elle fait ses premiers enregistrements avec l'orchestre de Francisco Canaro. Elle est même pressentie pour tourner avec le roi du tango, Carlos Gardel, mais ça n'aboutira pas.
Il faut attendre 1933 pour qu'elle commence à se faire un nom dans le cinéma en tournant dans le premier film parlant argentin, Tango.
Ce n'est pas encore le grand succès mais au court de ce tournage elle rencontre celui qui restera l'homme de sa vie, Luis Sandrini, avec qui elle vivra une passion à la fois brûlante et tumultueuse.


 En 1937 le film La Fuga lance enfin sa carrière et révèle son talent d'actrice dramatique. Mais au début des années 40 la guerre vient mettre un frein à son ascension. L'Argentine soutenant le régime nazi, elle est sous embargo et bientôt il n'y a plus le moindre bout de pellicule pour tourner.
Tita et Luis s'exilent au Chili puis au Mexique où il deviendra une vedette.
Ils rentrent en Argentine après la guerre mais le couple vole en éclats. Dernier pied de nez, elle lui lance "Un jour, je serai plus célèbre que toi !".

Une star et une grande gueule

Et le futur lui donnera raison ! Elle jouera sur scène et tournera dans une quarantaine de films, jusqu'en 1985, dont Los Isleros (Ceux des Îles) en 1951 qui connaîtra un succès international et sera sélectionné au Festival de Cannes, mais également Mercado de Abasto, en 1955. 
Dans ce film, où elle incarne Paulina, une vendeuse sur un marché, le  réalisateur Lucas Demare et les dialoguiste ont volontairement assimilé le personnage et l'actrice, comme dans cette réplique de son patron : "Tu mérites vraiment de porter un pantalon !".
Toujours dans ce film, elle interprète la fameuse milonga Se dice de mi, devenue morceau d'anthologie et qui m'a tant fait craquer. Les paroles ont été taillées sur mesure pour elle, en une profession de foi où elle assume qui elle est, se foutant du qu'en-dira-t-on.


 ► Paroles et traduction

L'incarnation de la  condition féminine en Argentine

Véritable star sous le régime de Peron, elle paiera son soutien au régime par un nouvel exil au Mexique car elle est mise sur liste noire et se voit interdite de travailler.
A son retour, elle tournera un dernier film en 1986. 


 Elle animera également des émissions télé et se consacrera à l'émancipation des femmes. 
Bien qu'elle l'ait enterrée, Tita n'a jamais oublié la petite Ana Laura qu'elle fut, ni toutes les Ana Laura de son pays où la femme était moins considérée qu'un cheval.
Sur les antennes, mais aussi par courrier, elle répond à ses femmes qui n'ont pas eu sa chance.
En 2001, lors d'une de ses dernières interviews, à une journaliste qui lui demandait quel conseil elle donnerait aux femmes, Tita répondit 

Les femmes n'ont pas besoin de conseils ! Elles ont besoin de travail et de respect !

Encore adulée de nos jours, Tita Merello vivra une vieillesse de solitude personnelle dans une chambre de la Fondation Favaloro, sans compagnon ni enfant, entourée de son frère et quelques très rares amis. Sur ce sujet non plus, cette artiste poussée par la colère et le défi que provoque l'injustice, ne se fait aucune illusion.

De la part des gens, je ressens plus de respect que d'amour

Celle qu'on surnommait "la Piaf d'Argentine" s'éteint le 24 décembre 2002.

 

4 commentaires:

  1. bon... j avoue... je ne suis pas transcendée loin de là... il faut dire qu en plus la sique argentine c est pas ma tasse de thé... ceci dit en tant que femme elle a l aire d être un personnage... gros bisous tout chanuds

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    1. Hhhha !
      Bonjour Chris

      Je ne suis pas vraiment étonnée et tu ne seras certainement pas la seule.
      J'aime bien explorer ce qui sort de ma "zone de confort" musicale.
      Et c'est vrai que j'aime les destins exceptionnels et les personnalités marquantes.
      Bisous un chouïa collants (beurk !)

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  2. merci de cette decouverte
    je decouvre et j'aime bien
    mais a petite dose
    j'ecouterai pas ca toute une journée eh eh eh

    merci de ta selection

    JUSTE LENOIR
    venu en mode anonyme
    car impossible de poster un commentaire en me connectant par mon compte google
    il refuse l'envoi d'un commentaire

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    1. Coucou !
      Je te rassure moi non plus je n'écouterai pas toute la journée !
      Mais le personnage me plait beaucoup et j'aime beaucoup son impertinence.
      De plus, tu sais que j'aime sortir de ma zone de confort pour découvrir ce qui se fait ailleurs

      Pour les commentaires, j'ai le même souci : Blogger est capricieux.
      Quand il t'annonce une erreur pour publier, va commenter ailleurs ou prendre un café et à ton retour, c'est bon. Ne me demande pas pourquoi mais ça marche !
      Bisous

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