05 août, 2024

Le vieux Paris en chansons #1

Paris...

Paris décrié ! Paris critiqué ! Paris défiguré ! 
Mais Paris adulé ! (de Gaulle ! Sors de ce corps !)

Vous avez remarqué que Paris est très couru en ce moment ? Et quand je dis "couru", pour certains, c'est plus vrai que pour d'autres.
Paris l'orgueilleuse qui brille à chaque évènement universel en tirant le rideau sur l'autre Paris, telle une courtisane pomponnée mais aux dessous sales qui se révèlent dans la lumière crue  qui suit une nuit de fête et d'ivresse : passent les siècles mais Paris reste toujours Paris.

Remontons le cours du temps.

Le Moulin de la Galette ex moulin Blute-fin à Montmartre 1900
 

C'est le grand paradoxe de Paris qui suscite autant de rejet que de fascination. Voire de fantasmes.

Connue et admirée pour son histoire et ses monuments, la capitale s'est taillée une solide réputation internationale pour sa saleté, pour ses embouteillages, ses garçons de café pas aimables mais Paris toujours visitée et chantée.
Pourtant Paris inspire toujours poètes, écrivains ou chanteurs, d'ici ou d'ailleurs qui derrière le verbe gouailleur parfois cachent un véritable amour pour la capitale de France.

Carte postale et musicale du Paris d'antan

Devenu ville  dortoir pour bobos, provinciaux devenus Parisiens par invasion mais qui de retour dans leur famille provinciale conchient la ville qu'ils ont vidé des Parigots, Paris fut une ville active, besogneuse jusqu'à la fin des années 80 qui vit la fermeture des dernières usines.

Sais-tu cher Melomaniac que sur les buttes de Paris fleurissaient les moulins à vent ?
Sur la seule Butte Montmartre, on en recensait une trentaine, moulins grains mais aussi à raisins car la Butte avaient ses vignes et ses vendanges qu'elle fête encore à chaque Fête des Vendanges. Le Moulin de la Galette (photo ci-dessus), transformé en guinguette à la fin du XIXème siècle. Si le fameux Moulin Rouge ne fut jamais un moulin, il est le flamboyant rappel de cette activité minotière.
Et il y avait les moulins à roue.

L'autre fleuve oublié de Paris

La Seine est le fleuve emblématique de la ville de Paris et fait l'objet de toutes les attentions depuis quelques mois.
Pour les nouveaux Parisiens, la Seine tant chantée est le seul fleuve de Paris. Pourtant, au gré des promenades, certains noms évoquent une rivière oubliée.

Si tu baguenaudes dans le 13ème arrondissement entre le boulevard Blanqui et la rue des Peupliers, tu ne manqueras pas de passer rue du Moulin des Prés. Pourtant, pas l'ombre d'un moulin, quant aux prés, voilà bien longtemps que de mémoire de Parisien on n'en voit plus  un seul ! Peut-être t'étonneras-tu de voir ici un pont enjambant une allée herbeuse aux pieds  de maisons bordant une coulée verte, ou de voir là de massives plaques de métal datant du début du siècle dernier et cachant un de ces intrigants mystères de Paris.
Pour peu que tes pas te conduisent dans le 5ème arrondissement, peut-être t'arrêteras-tu un instant devant l'ancienne résidence du président Mitterrand au 22 rue de Bièvre.

Sans t'en apercevoir, tu auras alors longé le cours de la rivière oubliée : la Bièvre.

Tanneurs sur la Bièvre (1900) - cliché Charles Marvilles (BnF)


Cet affluent de la Seine long d'environ trente-cinq kilomètres, prend sa source à Guyancourt (78) et serpente à travers l'Essonne, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne avant d'atteindre la pointe  sud-est de Paris.

Dès le XIème siècle une activité grouillante va s'y implanter.
Les premiers  moulins de Paris, à eau il va de soi, tanneurs et mégissiers, bouchers et équarrisseurs, mais aussi les teinturiers. Parmi eux, Jehan Gobelin y installera sa teinturerie au milieu du XVème siècle. Sa petite teinturerie, installée près d'un moulin (probablement le Moulin Saint Marcel) de la Bièvre, commence à se tailler une belle réputation pour ses teintures en déclinaisons de rouge et d'écarlate. Cette réputation se confirmera au fil des ans, de Gobelin en Gobelin, faisant de la petite teinturerie une manufacture royale, la Manufacture des Gobelins et de la Bièvre la "rivière des Gobelins".

Pendant plus de sept siècles, tout ce petit monde va balancer dans la Bièvre les déchets de son activité, auxquels vont s'ajouter les ordures et eaux usées des riverains, transformant le petit fleuve en un cloaque puant et insalubre.
Aussi quand Napoléon III charge le baron Haussman de moderniser Paris, tandis qu'une poussée d'hygiénisme démange les Parisiens, mêmes les riverains, le baron prend une décision radicale : à défaut de faire disparaître le problème, on fait disparaître la rivière !

Depuis octobre 2020, le Conseil de Paris a voté une "étude de faisabilité" pour que certains tronçons coulent à nouveau à l'air libre. Si ça  prend le même cours que la Seine, on n'est pas près d'y voir un maire de Paris y faire trempette !

Belleville  et la Butte : la mémoire en chansons

Souhaitons à la Bièvre que lui soit épargné le sort de Belleville et des 19 et 20ème arrondissements ! 

Les bobos ont gagné leur Paris et réhabilité une partie du coin. Là ou le verre et l'acier n'ont pas remplacé les vieux immeubles et vieilles maisons, celles-ci devenues pimpantes ne sont plus à la portée des Parisiens. Les murs sont restés, désormais atteints d'Alzheimer.

Le Vieux Belleville

Si le Vieux Belleville en tant que quartier n'est plus qu'un souvenir, il reste une poche de résistance où des  irréductibles entretiennent la culture de la tradition... Le Vieux Belleville.

En bonne petite-fille d'authentique Parigot, avec un ascendant bougnat, j'ai le regret de ce Paris-villages où on jaspinait encore une langue étrangère aux nouveaux arrivants, l'argomuche hérité des fortifs, un argot auquel je reste fidèle, transmettant l'héritage de mon grand-père.

Je vous laisse votre Paris bling-bling, votre Paris olympique, lui préférant le Paname des drôles de dames qui draguaient les messieurs pour quelques francs, le Pantruche des  fanfreluches où petites-mains et cousettes s'encanaillaient dans les guinguettes.
Ce n'était peut-être pas une ville de rêve mais elle avait encore une âme et curieusement elle fait toujours naître une pointe de nostalgie.

Après t'avoir fait voir la vieille gare Montparnasse, cher Melomaniac, j'espère que tu as aimé notre petite promenade dans le vieux Paname.
Pour ce qui est des Parisiens...

Aujourd'hui comme Fréhel autrefois, en pensant à tous ceux-là je me dis "où sont-ils donc ?".

Nota : certaines versions n'étant pas remasterisées, la qualité est donc variable

 

18 commentaires:

  1. Houla ! tu me chamboules avec ton Paris ancien : j'ai adoré Paris et j'adore cet article .
    Sans remonter aussi loin , je me souviens qu'avec mon père un vrai " parigot " quand j'étais petite fille , nous en avons visité tous les recoins , poussant les portes des cours qui à cette époque s'ouvraient pour découvrir tous les secrets de ce Paris . Et tu nous offres un superbe voyage sur son passé . Merci M'dame .
    BigBizz.
    MAYLISA-MUSIC .

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    1. Bonjour MaylisaLouloute

      Si tu as lu mon petit billet où j'évoque la vieille gare Montparnasse, la première métamorphose a commencé sous Pompidou avec le fameux Beaubourg, par exemple. Moderniser Paris était une nécessité.
      Le grand remplacement (tiens ! ça me rappelle quelque chose) a accéléré sous Chirac à la mairie de Paris avec sa volonté de remplacer l'électorat prolétaire par un électorat plus favorable. Les ouvriers ont été déplacés hors Paris, de préférence dans des villes de ce qu'on appelait alors l'union de la gauche.
      Moderniser est nécessaire mais contrairement à d'autres capitales (je pense à Prague par exemple) à Paris ça a été trop loin : c'est une vitrine qui a perdu ce qui pendant longtemps en a fait le charme.
      Tiens ! Même les Cités Ouvrières qui assuraient une mixité sociale ont été colonisées par les bobos. Fini les mômes du quartier qui jouaient, il y a désormais des grilles à digicodes et les appartement y coûtent une fortune !
      Nous avons connu une ville fière, c'est désormais une cité dortoir de luxe prétentieuse.
      Bisouilles !

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    2. même opinion que pixelie sur la transformation de paris, la capitale exclut le prolétariat
      le film ELYSIUM symbolise pour moi les phénomènes de ségrégation sociale

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    3. A Paris il y a des abus : un photographe amateur (non professionnel) s était fait embarqué au poste de police car il photographiait paris avec un trépied et bon matos , il y a une exclusivité accordée à une agence , donc seule cette agence a le droit de photographier paris et d en vivre , donc aucun autre professionel ne peut photographier !!!!! cela est permis au particulier ou amateur mais si son matériel rivalise avec celui des pros .........>>>>> abus de pouvoir
      je suis d ailleurs contre les exclusivités !!!!!!!
      en photographie , en pêche .........
      la liberté c est aussi se mettre en concurrence , pas empêcher les autres de faire pareil , voir mieux

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    4. Coucou
      Tu as des sources ?
      Car le droit de photographier ne relèvent pas du matériel mais des bâtiments ou autres dont les concepteurs sont toujours en vie. Encore une belle importation américaine.
      Je te mets deux liens instructifs :
      https://lagbd.org/Photographier_et_filmer_sur_la_voie_publique_%C3%A0_Paris:_comment_faire_(fr)
      et
      https://www.lesnumeriques.com/photo/droit-a-l-image-et-photo-de-rue-partie-1-pu101091.html

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    5. oui je sais , je parlais de l exclusivité , mes sources sont anciennes , mais je n invente rien ,
      de toute façon je parlais d un abus "d emmener un amateur au poste parce qu il avait un bon matos" et non pas des droits revendiqués par tel ou tel architecte ou autre
      en auvergne aussi des propriétaires ont voulu des droite (rétributions financières ) sur les images prises , genre "si vous photographiez c est parce que c est beau , et c est beau grâce à nous , donc vous nous devez quelque chose ........"
      un photographe a exposé des photos d'écorce d arbres , très coloré , et il m a expliqué de vive voix que les écorces d arbre on ne sait pas où il a pris la photo ......aucun souci de droit pour lui !

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    6. qu est ce que tu appelles "Encore une belle importation américaine." ?

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    7. désolé mais jai souvent acheté chasseur d images ou d autres revues , en amateur j avais un bon matériel donc je me suis senti concerné par le cas cité , j ai toujours suivi le droit à l image .....

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    8. Cette revendication sur le droit à l'image (et ses abus) est apparu en Europe dans les 90s, venant des USA et elle s'est étendue à toute image, presque jusqu'au délire (je n'entrerai pas trop dans le hors sujet mais je me suis fritée avec Youtube et 4share).
      Je partage ton avis, cette marchandisation de tout est n'importe quoi. Autant quand on photographie des personnes, il y a des règles à respecter, autant nous sommes à présent dans une dérive ébouriffante.
      Lis les deux liens que je t'ai mis... c'est un imbroglio juridique dans lequel il devient difficile de s'y retrouver !

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    9. le capitalisme est une mauvaise voie , néanmoins quand des agences photo s approprient une exclusivité je trouve cela faiblard de leur part !!!!!!! c est je fais des photos que toi tu n as pas le droit de faire , même si pas d atteinte au droit privé (comme le font parfois et abusivement les paparazzis ), il y a des abus de chaque côté

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  2. super sympa cet article... c est vrai que Paris a bien chjangé... je n y suis pas retournée depuis des années et on me dit de ne pas le faire pour garder mes doux souvenirs intacts... mon premier emploi était à Belleville dans une fabrique de pantoufles... souvenirs souvenirs... gros bisous

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    1. Bonjour Chris
      Comme je le dis à Maylisa ci-dessus, ce Paris n'existe plus, sauf peut-être quelques petites poches de résistance qui vont disparaître sous les assauts des promoteurs.
      Une fabrique de pantoufles à Belleville ? Fichtre ! Ça date !
      N'y retourne pas ! "On" a raison, ça te ferait mal je pense.
      Bisous too U

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  3. Superbe article, tout est dit ! Aujourd'hui, rien à voir et ça ne donne même pas l'envie d'y aller. J'ai adoré ces quartiers qui avaient une "âme", certains l'ont conservée longtemps mais....
    Par contre je crois qu'on chantera toujours Paris, des artistes y ont veillé, et d'autres prennent aujourd'hui le relais. Quoiqu'il advienne le souvenir reste !
    Bonne journée, bisous
    (Melo: meloandco.eklablog.com) je teste blogger donc un peu éparpillée en ce moment mais mon blog ekla survit :))

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    1. Bonjour Melo
      Tout à fait d'accord avec toi !
      J'y suis allée par obligation en 2017, après sept ans, et c'est plus pire ! :)
      Je pense aussi que ces vieilles chansons perdureront même si les nouvelles générations n'auront aucune idée de ce Paris, quand même idéalisé.
      Bisous

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  4. merci de cette superbe visite de Paris
    le Paris qu'on aime en chansons, en belles evocations
    merci des liens que tu as installés pour en voir d'autres et des bien belles

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  5. Bonjour Phil
    J'avoue m'être fait plaisir sur ce coup-là et puis, qui sait ? Ça permet de comprendre un peu mieux certaines chansons...
    Bisous

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  6. Coucou Pixelie,
    Paris dans l'histoire, j'en suis assez friand, Paris en chansons, tout autant... mais une nostalgie qui n'est pas vraiment la mienne... Difficile d'être exhaustif, c'est plus simple avec Toulouse... Une de mes préférées est "Revoir Paris", de Charles Trenet, qui déclenche la nostalgie dès les premières notes . Bel article d'immersion dans Paris, la Seine et son affluent méconnu... ça tombe bien, la qualité de l'eau le permet...
    Bisous

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  7. Coucou Jean-Luc
    Je serais bien en peine de sortir la moindre anecdote sur Toulouse !
    Et puis Paris est une des villes les plus chantées au monde à travers les époques. Il y aura d'autres PL et d'autres visites. La Seine ? Tu pourras me dire n'importe quoi, je n'irai pas y plonger un orteil !
    Bises à toi

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