31 août, 2024

"Au 31 du mois d'Août" : l'hymne à Surcouf


Au 31 du mois d'août
est ce qu'on appelle un "chant à virer", ici plus précisément un chant à virer au cabestan afin d'encourager les gabiers (matelots en charge de l'entretien et de la manœuvre de la voilure) à la manœuvre.

On a tous vu dans les films de pirates les navires virer en quelques secondes, mais dans le réalité certaines manœuvres prenaient plusieurs heures ! 

"Virer au cabestan" consiste à tourner le cabestan afin d'agir sur l'ancre, pour la remonter, la descendre, rapprocher le navire de son  axe. 
On peut comparer cette manœuvre à celle d'un virage avec le frein à main...

Il fallait parfois 12 gabiers pour parer à la manœuvre ! (cliquer sur la miniature)


La Confiance de Surcouf

Au 31 du mois d'août est un chant à la gloire de Surcouf, et plus précisément de sa victoire sur le vaisseau anglais, le Kent.
Ce chant à virer est devenu célèbre non seulement dans la Marine où Surcouf reste une figure de légende mais aussi dans le grand public qui n'hésite pas à l'entonner après quelques verres !
Pourtant, ce chant qui a connu de nombreuses altérations prend de sacrées libertés avec l'Histoire !

Duel dans l'océan Indien


Nous ne sommes pas le 31 du mois d'août mais le 7 du mois d'octobre 1800, bien loin du grand port de Bordeaux, dans le Golfe du Bengale dans l'océan Indien.
Le coin est très fréquenté : entre les navires marchands et les navires escorte de la Compagnie des Indes Orientales et les vaisseaux de guerre de l'Empire Britannique, la route du Comptoir des Indes est un terrain de chasse rêvé pour Surcouf. Il y a certes les richesses potentielles, pillage que Surcouf tolère car il est une "rémunération" de ses hommes mais ce qui motive le capitaine est sa détestation profonde des Anglais.

Dans les premières lueurs de ce 7 octobre, la vigie de la Confiance lance l'alerte : une frégate anglaise est en vue. Il n'en faut pas plus pour réveiller l'instinct de chasseur du corsaire.
Ce vaisseau est le Kent, puissante frégate de la Compagnie des Indes Orientales, contre lequel les chances de la Confiance ne pèsent a priori pas très lourd.

Le Malouin n'a pas oublié sa rencontre avec une autre frégate, deux ans auparavant, où le rapport de forces était le même.
En décembre 1798 au large des Philippines son brick le Clarisse échappa de justesse à la capture face à la frégate anglaise, la Sybille camouflée en navire marchand. Avait-il reconnu la frégate française la Sibylle capturée et rebaptisée Sybille par les Anglais ? Ce fut un combat de ruses que Surcouf dut fuir pour échapper à la capture et sauver son navire.

Le combat de David contre le Goliath des mers

Le rapport de forces est très largement favorable au Kent.
D'un tonnage trois fois supérieur à celui de la corvette française, le Kent aligne 40 canons et 437 membres d'équipage contre lesquels les 24 canons et les 160 marins français ne font pas le poids.

Le capitaine anglais Rivington mise sur sa puissance pour venir à bout de la petite corvette en moins de temps qu'il n'en faut pour se faire une tasse de thé.
On dit que sa confiance était telle qu'il aurait convié ses officiers et leurs épouses à monter sur le pont pour assister au spectacle. Légende ou pas, toujours est-il que Surcouf vit effectivement beaucoup de monde sur le pont et certaines sources confirment la présence de passagers civils à bord du Kent.

Abordage du Kent par Garneray - 1850
Fort de sa précédente expérience et ayant à faire à bien moins rusé que le commandant de la Sybille, le corsaire va exploiter l'avantage que lui confère la petite taille de son navire : la mobilité.
La Confiance pare à virer et se présente sur le flanc du Kent.
Après un bref échange d'artillerie, les matelots français montent à l'abordage. 

Si les Anglais s'attendaient à un spectacle, il fut de courte durée.
En une vingtaine de minutes les Français s'emparent du navire anglais et de son équipage.

Les combats furent âpres et les Anglais se battirent avec courage mais ce jour-là, peut-être motivés par l'appât du gain, les matelots français étaient invincibles.
Le trop confiant capitaine Rivington fut tué ainsi que 14 de ses hommes et 44 autres furent blessés. Les Français dénombrent 5 morts et 15  blessés.

A bord de la Confiance, un mousse de 17 ans participe à l'expédition. Il s'appelle Ambroise Louis Garneray. Cinquante ans plus tard, il immortalisera cette bataille.

Les survivants seront remis à des marins arabes afin d'être ramenés à terre. On rapporte un dernier échange entre le commandant en second du Kent et Surcouf.

Vous, Français, vous vous battez pour de l’argent. Et nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur. - Chacun se bat pour ce qui lui manque !

Vérité ? Légende ? Dès qu'il s'agit de Surcouf, il n'y a pas loin de l'une à l'autre.

Surcouf le Corsaire entre dans la légende

Au fil de sa carrière débutée quand il avait 14 ans, Surcouf a infligé de nombreuses pertes à la marine britannique qui en avait fait l'ennemi à éliminer.
Avec la prise du Kent, le Malouin entre définitivement dans la Légende maritime à 26 ans.

Si les Anglais lui reconnaissent sa vaillance mais aussi son humanité à l'égard des prisonniers, là c'en est vraiment trop pour eux !
Désormais, ils offrent une prime de 5 millions de francs à qui débarrassera les mers de celui qu'on appelle désormais "le roi des Corsaires", "le tigre des mers" ou plus souvent "l’ogre du Bengale". Par rapport aux pertes colossales que Surcouf fait subir à l'Angleterre, 5 millions c'est de la petite bière.

Le retour à Port Louis est triomphal et Surcouf va encore assoir sa réputation d'intégrité.
Un violent différent l'oppose à l'administrateur qui exige la moitié du butin pris sur le Kent, ce à quoi s'oppose farouchement Surcouf qui estime que ses hommes sont plus méritants que cet obscur petit fonctionnaire. On parle d'un million de francs en or et en poudre à canons.
Apprenant que l'administration va faire poser les scellés sur son navire, Surcouf donna l'ordre de monter sur le pont caisses et barils et, sous les yeux effarés des commissaires, il fit tout jeter à la mer ! (source Philippe Descoux, historien écrivain 1896).

Un chant breton de la Royale aux tavernes

Adaptée d'un chant militaire que les marins chantaient pendant leurs moments de détente. la chanson Au 31 du mois d'Août fut écrite au XIXème siècle. C'est vague ? Oui mais c'est tout ce dont on soit sûr.

Tout comme on est sûr que malgré les incohérences elle célèbre bien l'exploit de la victoire de l'équipage de la Confiance sur le puissant Kent.
Date, lieu, narratif de la bataille... rien ne colle. Pas même le refrain.

Buvons un coup !
Buvons-en deux !
[...]
A la santé du
roi de France !
Et merde pour le roi d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre !

En 1800 la France n'a plus de roi, Bonaparte est Premier Consul.
Alors, faut-il y voir une figure de style qui fait pendant au "roi d'Angleterre" ou les paroles ont-elles été modifiées lors de la Restauration (1814-1830) lors du retour de Louis XVIII sur le trône ?
Rien ne confirme ni n'infirme l'une ou l'autre thèse.

Ce qui est sûr c'est que ce chant farouchement anti Anglais a traversé le temps, portant la légende de Surcouf de la Marine qu'elle soit Royale ou Nationale aux tablées civiles où on l'entonne joyeusement autour d'une tournée, en appuyant bien sur le "merde pour le roi d'Angleterre", en bon républicains un peu chauvins et revanchards ¿!

► Paroles

 

 

 

2 commentaires:

  1. super article j ai appris plein de choses comme toujours chez toi... gros bisous

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  2. merci de cette hsitoire vraie de Surcouf et des corsaires
    et là ce n'est pas du cinema, c'est pas les pirates des Caraibes de Disney

    merci de retablir un peu l'histoire, et des infos que l'on decouvre sur ce corsaire
    et enfin le chant que l'on entendra là

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