12 juin, 2024

Hevenu shalom aleichem : foutez nous la Paix !

 "Qui sauve un homme, sauve l'Humanité toute entière".

Si vous avez vu le film La Liste de Schindler, vous connaissez cette phrase.

Elle est extraite du Talmud mais est aussi présente dans le Coran et dans la Bible.
Elle aurait dû être porteuse des espoirs de Paix de tous les hommes bons qui sur cette terre considèrent que chaque vie est précieuse, que chaque homme est précieux qu'il vive à l'ombre d'une église, d'une mosquée ou d'une synagogue.

Trois religions monothéistes, une ville, Jérusalem, un pays, Israël.

Et aujourd'hui un coup de gueule, peu habituel sur ce blog, quoique je n'ai jamais fait grand mystère de mes opinions.
Un coup de gueule en constatant que la Haine devient un mode de gouvernance y compris dans les démocraties.

Une image sortie du grand album d'histoire de l'Humanité, une image porteuse d'espoir, image piétinée, froissée et déchirée alors qu'en ce temps-là elle paraissait improbable.

 

de gauche à droite Yasser Arafat, Shimon Peres, Yitzhak Rabin reçoivent le prix Nobel de la Paix (1994)

 

Pour les plus jeunes qui ne connaissent d'Israël que la période Benjamin Netanyahu, il me paraît important de rappeler quelques faits qui ont émaillé la tumultueuse histoire d'Israël et qui éclaireront ma prise de position.

1993 un rêve de paix

La création de l'état d'Israël au sortir de la guerre reste encore un sujet à polémique mais, à mes yeux, la responsabilité des Américains et des Britanniques dans les évènements passés et actuels reste pleine et entière.

Une politique colonialiste

Si la théorie voulait une cohabitation entre Israéliens et Palestiniens, sur le papier et dans les faits l'état hébreu place les territoires palestiniens sous une tutelle déguisée en adoptant des lois qui les privent quasiment de toute autonomie : lois sur l'eau qui privent les Palestiniens de toute autonomie, loi qui "autorise" les colons à s'implanter sur des territoires palestiniens non exploités. Et tant pis si un paysan palestinien a eu la mauvaise idée d'exploiter une orangeraie, la nuit des bulldozers rasent le tout.

Expulsions par la force, exode, les Palestiniens passent de la résistance à la lutte armée et en 77 ans l'histoire d'Israël n'est qu'une longue successions de guerres et de troubles
Vers une solution diplomatique

Avant le Hamas, il y avait l'OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) qui de la lutte armée est passée au terrorisme international sous la houlette de Yasser Arafat.
Alors que les années 70 voient l'émergence de groupes terroristes de tous les bords en Europe (Les Brigades Rouges, ETA, IRA, etc.) Septembre Noir, le Fatah, le FPLP et leurs fedayins portent le fer sur le territoire européen.
Notre génération n'a pas oublié le 5 septembre 1972 : le commando Septembre Noir prend des sportifs israéliens en otages lors des J.O. de Munich. La police allemande donne l'assaut et le bilan sera sanglant avec 17 morts.

Il faudra de longues années pour qu'enfin naisse un espoir de paix.

Les accords d'Oslo en 1993

Sous l'impulsion du premier ministre israélien Shimon Peres, les premières discussions pour un plan de paix entre les deux communautés s'amorcent. La première intifada ou Guerre des Pierres qui fut un soulèvement général des Palestiniens a jeté une lumière crue sur leur situation et leurs revendications.

L'ennemi d'hier, Yasser Arafat, devient l'interlocuteur du moment en raison de son autorité sur le peuple palestinien mais aussi, surtout, des concessions qu'il est prêt à faire. Yasser Arafat fait un énorme pas en avant en reconnaissant l'état d'Israël.
L'enjeu n'est pas seulement territorial, il est aussi international et conditionne la paix des pays du Proche Orient.

Les premières discussions secrètes s'engagent à Oslo en 1992.
Un an après, une image va faire le tour du monde, une image qui va faire naître tous les espoirs en une paix durable : la poignée de mains entre le nouveau premier ministre Yitzhak Rabin, ancien ministre de la Défense qui prônait une ligne dure lors de la première intifida, et Yasser Arafat, l'ennemi d'hier.

En 1994 les trois artisans des accords d'Oslo reçoivent le Prix Nobel de la Paix.


Deux balles dans le dos de la Paix

Si pour beaucoup d'Israéliens Yitzhak Rabin incarne un nouvel espoir pour Israël, pour la droite (le Likoud) et l'extrême-droite il est un traître.

Le 4 novembre 1995, il prononce un discours à Tel Aviv à la suite d'une manifestation pour la Paix. A l'issue de ce discours, un jeune étudiant en droit et extrémiste religieux approche le premier ministre par derrière et lui tire deux balles dans le dos.

Yigal Amir vient de flinguer la Paix et d'entamer un processus dont les conséquences marquent le conflit actuel.

La guerre jusqu'au bout ?

Depuis le 17 octobre 2023 la communauté internationale se débat pour s'extirper d'un cloaque militaro-politique dans lequel elle s'est enfoncée toute seule, yeux fermés sur une réalité qui allait immanquablement la mettre dans une posture indéfendable et condamnable, quelle que soit l'issue de ce énième conflit.

Une guerre prévisible

Le grand retour politique du Likoud fondé par Menaheim Begin ainsi que la montée de l'extrême-droite et des ultra religieux ont fracturée la société israélienne.

Après le court intérim de Shimon Peres suite à l'assassinat d'Yitzhak Rabin, deux hommes vont œuvrer pour faire des confettis avec les accords d'Oslo : Ariel Sharon et Benyamin Netanyahou.

La deuxième intifada

Candidat de l'opposition à la succession d'Ehud Barak au poste de premier ministre, Ariel Sharon annonce clairement "les accords d'Oslo sont morts", et il précise sa pensée dans un entretien à Kfar Habad "Dès lors qu'il y a violence, cela signifie très clairement que ces accords n'existent plus".

Et s'il n'y pas "violence" ? Rien de tel qu'une bonne provocation pour raviver les braises !

Le 28 septembre 2000 le candidat Sharon se rend sur l'Esplanade des Mosquées. Les Palestiniens prennent cette visite pour ce qu'elle est, une provocation, et se soulève.
L'état hébreu répond comme à son habitude par une répression brutale en réponse au "terrorisme".
Le 30 septembre, le jeune Palestinien Mohammed al-Durah, âgé de 12 ans, est tué d'une balle israélienne dans les bras de son père qui tentait de le protéger.

Ces images feront le tour du monde grâce au reportage du journaliste franco-israélien Charles Enderlin, diffusé sur France 2.

Le "néo sionisme" du troisième millénaire

Alors que les luttes de pouvoir et la corruption minent l'autorité de Mahmoud Abass, successeur de Yasser Arafat à la présidence de l'Autorité Palestinienne, favorisant la montée en puissance de la branche armée du Hamas, du côté israélien la montée en puissance de l'extrême droite et des juifs ultra orthodoxes rebat les cartes de la politique de l'état hébreu.

Depuis le début de ce millénaire, la colonisation de terres palestiniennes a repris au pas de charge. La situation des Palestiniens s'est aggravée au point qu'en mai 2021, au micro du Grand Jury RTL, le ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian met en garde le gouvernement israélien en des termes inédits jusque là au Quai d'Orsay.

"Le risque d’apartheid est fort si on continue à aller dans une logique à un État ou du statu quo. Même le statu quo produit cela."
La réponse de l'état hébreu est immédiate qui convoque l'ambassadeur français.

Depuis le retour de Benyamin Netanyahou, empêtré dans des affaires de corruption, grâce à cette mouvance extrémiste (tant politique que religieuse) sans qui sa majorité à la Knesset serait fortement compromise, la radicalisation de sa politique a fracturée jusqu'à la société israélienne où désormais laïcs et religieux s'opposent parfois violemment.

Le prix des compromissions

L'Histoire ne devra jamais oublier le génocide des juifs d'Europe comme il a oublié celui des Amérindiens, des Arméniens, des Ukrainiens, des Tziganes des Cambodgiens ou qu'il ferme les yeux sur celui des Ouïghours.
L'Europe a un lourd passif d'antisémitisme et les pogroms n'étaient que les signes annonciateurs de la Shoah et deux pays se distinguent particulièrement qui livrèrent les juifs par trains entiers : la Hongrie et la France.

Les rares évadés de camps de concentration et d'extermination ont demandé le bombardement des camps, conscients que les déportés seraient touchés, mais puisque leur sort était scellé, la mort de quelques uns sauverait peut-être celle du plus grand nombre.
Mais les États Unis comme la Grande Bretagne n'y voyant aucun intérêt "stratégique" se contentèrent de bombarder Buna Monovitz (Auschwitz III), fournisseur de l'armée nazie en caoutchouc et pétrole synthétique.

Il ne faut pas se leurrer : dès 1942 les Alliés eurent connaissance de la "solution finale du problème juif" grâce aux rapports d'évadés des camps de la mort de Sobibor et Treblinka. J'étais en possession d'un fascicule édité par la Défense américaine, daté de novembre 1942 comprenant des tableaux chiffrés dont les chiffres étaient déjà inimaginables alors que Birkenau (Auschwitz II) en était encore qu'à la mise en place.
Mais les Alliés n'ont pas bronché, pas plus qu'ils n'acceptèrent de soutenir la Révolte du Ghetto de Varsovie.

De la culpabilité à l'impunité ?

La dette morale est lourde et le temps ne pourra pas tout à fait l'effacer mais pour autant, doit-elle tout justifier, y compris l'injustifiable ?

Alors oui, la construction d'Israël ne pouvait se faire que sous l'égide des Nations plus ou moins unies afin de protéger cette jeune nation de ses peu amènes voisins.
Oui, il fallait aider cette jeune nation à se développer et se défendre mais certainement pas en cautionnant la spoliation des Palestiniens.

L'ONU adopte-t-elle des résolutions sanctionnant les violations du Droit international ou des traités signés par Israël ?
Pas grave, Israël ne se sent pas tenu de les respecter et c'est pas l'Oncle Sam qui va les gronder !

Avec Netanyahou, plusieurs paliers ont été franchis dans l'implantation de nouveaux colons (souvent des ultra-religieux) dans le silence assourdissant de la communauté internationale.
La radicalisation du gouvernement hébreu ne pouvait qu'entraîner le drame du 7 octobre dernier dans un contexte de déstabilisation géopolitique généralisée.

Pour un retour à la raison

Le massacre de plus d'un millier de juifs innocents est un crime, mais pas un génocide. Ce n'est pas de la résistance, c'est une tuerie de masse, ignoble, et qui méritait une réponse.

Nul ne conteste à Israël le droit à se défendre mais pas au prix de ce massacre, pas au prix de l'exode de milliers de Palestiniens sans garantie de retour dans leurs foyers.
Les chiffres sont terrifiants : rien que pour la Bande de Gaza qui compte 2,1 M d'habitants plus de 34 000 morts et 78 000 blessés. Parmi les tués, ce chiffre, tache rouge sur l'étoile de David, 12 300 enfants soit plus d'enfants tués qu'en 4 ans dans les derniers conflits dans le monde !
A quoi ça ressemble ?

Et "ce n'est qu'un début !" éructait Mayer Habib, ami de Netanyahou lors d'une récente séance à l'Assemblée Nationale, violant en plein Hémicycle la loi contre "l'apologie de crimes de guerre", sans sanction de sa présidente.
N'y a-t-il plus que Dominique de Villepin qui garde sa lucidité dans le monde politique français ?!

Ces Israéliens qui veulent la Paix

L'autre crime de Netanyahou et de ses alliés politiques est d'avoir réveillé "la bête immonde", qui n'en avait vraiment pas besoin : l'antisémitisme.

Les chiffres cités plus haut sont horriblement éloquents et les opinions publiques ont précédé l'ONU qui évoque "un risque génocidaire".
Car il est désormais patent que les otages encore détenus par le Hamas sont une aubaine politique, aussi affreuse que soit cette expression, car elle est le seul alibi pour justifier le massacre.
A l'instar de l'opinion publique israélienne, beaucoup se demandent comment le Hamas a pu s'implanter si aisément avec armes et munitions dans un pays où les services de renseignement, Mossad et Sin Beth, sont parmi les meilleurs du monde après les services américains et britanniques.

Si l'opinion publique israélienne exige légitimement la libération des otages et l'éradication du mouvement terroriste Hamas, elle ne cautionne pas le massacre palestinien.
Elle qui a manifesté massivement contre la dérive extrême du gouvernement Netanyahou, manifeste courageusement pour un retour à la raison, avec des actions ciblées.

La folle course en avant du pouvoir israélien ne doit pas faire oublier ceux qui veulent un retour à la Paix.
Les opinions publiques se doivent d'être vigilantes pour ne pas faire endosser à l'ensemble des juifs les crimes des fanatiques religieux.

Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté.

Combien de fois ai-je chanté ce refrain à tue-tête ? Je ne sais plus mais aujourd'hui il prend une signification toute particulière.



Une autre chanson, différente mais qui porte elle aussi le même message, trop souvent oublié

 


Plus de  documentation :

 

2 commentaires:

  1. effectivement on est proches dans le thème abordé
    les gouvernants aiment la division , car ça occupe nos esprits avec le bordel qu ils créent et n assument pas
    en temps de paix on regarde de plus près ce qu ils font ....

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  2. Mais bien sûr que si ils assument, en leur for intérieur.
    En temps de paix, non, on ne regarde pas ce qu'ils font car on se sent bien dans le confort.
    Mais ce billet a surtout pour but de rappeler à ceux qui reprennent les antiennes antisémites (et autres racistes) qu'il est dangereux de mettre tout le monde dans le même sac.

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