"Hotel California" - Eagles

Que celui ou celle qui n'a pas dragué sur ce slow, entré au Panthéon des meilleurs slows, me jette la première pierre !

Les années passent, et pourtant l'effet reste le même à l'écoute de ce morceau qui deviendra l'emblème du groupe. Il suffit de dire "Eagles" pour que l'on pense in petto "Hotel California", single extrait de l'album éponyme sorti en 1976. 
En terme de ventes ce sera un carton international, seul Michael Jackson fera mieux.

 

De Los Angeles au Mexique, un hôtel devenu mythique

Quand Don Felder pose les notes d'une nouvelle chanson en 1976, Eagles a déjà quelques beaux succès à son palmarès depuis sa création en 1971, ayant placé plusieurs singles dans le Top 40 du Billboard Hot 100 américain.

Il se murmure qu'il se serait inspiré de la chanson de Jethro Tull, We used to Know. Peut-être un tout petit peu, avec beaucoup d'attention et un peu d'imagination. Si on peut y déceler quelques similarités, l'apport d'une douze cordes et une basse très marquée font la différence.
Quand il fait parvenir ses maquettes aux autres membres du groupe afin d'y poser les paroles, pour Don Henley (batterie, chant) et Glenn Frey (chant, chant additionnel, guitare et claviers), la mélodie sonne latino au point qu'ils l'intituleront d'abord Mexican Reggae.

Hotel California : une vision de l'Amérique

Entre sa sortie et 2008, les paroles ont donné lieu à diverses interprétations, certains y voyant même une référence à un établissement psychiatrique.
Dans une interview accordée en 2008 à Howard Stern (célèbre et très sulfureux animateur radio), Don Felder en dévoile le sens :

 Nous sommes tous arrivés à L.A. en voiture, la nuit. Personne n'était californien, et si vous conduisez à L.A. la nuit, vous pouvez voir cette lueur à l'horizon, et les images d'Hollywood et de tous les rêves que vous avez commencent à défiler dans votre tête, et c'est un peu de cela qu'il s'agissait.

 En effet, si le groupe est estampillé "californien", ses membres sont originaires du Midwest. Pour eux comme pour beaucoup de candidats à la célébrité, L.A. et particulièrement Beverley Hills représente la quintessence de la réussite à l'américaine.
Derrière cette allégorie, les Eagles dénoncent l'autre face de cette réussite. Dans une autre interview à Rolling Stone (SRC) c'est Don Henley qui révèle :

Il s'agit essentiellement d'une chanson sur les dessous sombres du rêve américain et sur l'excès en Amérique, ce qui est quelque chose que nous connaissions bien.

En résumé, dira-t-il, la chanson évoque "un voyage de l'innocence à l'expérience". C'est aussi une réflexion sur la frontière très mince et très poreuse entre l'art et le commercial.
Exit Mexican Reggae, la chanson s'intitulera donc Hotel California

Hotel California, un lieu imaginaire ?

Oui... et non.

Aux yeux des musiciens, Beverley Hills est le lieu de la consécration et, à cette époque, le Beverley Hills Hotel en est l'épicentre.
Encore propriété de Ben Silberstein, le Beverley Hills Hotel sur Sunset Boulevard est the place to be et les célébrités (ou postulants) s'y ruent d'autant que l'établissement assume tous leurs caprices.

Dans leurs paroles, les Eagles font référence à l'extravagance des lieux qu'ils ont probablement fréquentés à l'époque.

C'est donc assez logiquement que ce soit une vue de l'hôtel qui illustre la pochette, signée David Alexander pour la photo et John Kosh pour le travail artistique. La typographie du titre rappelle celle du logo officiel de l'hôtel.

Hotel California - "l'original"

A la grande histoire du tube des Eagles vient se greffer une petite histoire qui montre que depuis 1977 le groupe a parfaitement intégré les "excès" américains ainsi que la notion de profit dans l'art.

En 1947 un Chinois, M. Wang (il changera d'identité pour faire plus "couleur locale" en Don Antonio Tabasco) lance la construction d'un hôtel de 16 chambres à Todos Santos, l'Hotel California.
L'Hotel California ouvre officiellement en janvier 1950.

Hotel California Baja à Todos Santos (Mexique)

Quand Eagles donne à sa chanson son titre définitif, il ne s’embarrasse pas de savoir si cette appellation pourrait poser un problème juridique.
Au contraire !
Au motif que l'Hotel California Baja construirait sa réputation (et en tirerait profit par la vente de merchandising) sur la chanson éponyme, Eagles intente une action en justice auprès de l'Office américain des brevets et des marques, pour faire interdire l'utilisation de ce nom par l'hôtel mexicain alors même que l'appellation "Hotel California" fait l'objet de 28 enregistrements au Mexique, en nom propre et dérivés.
Gonflés les mecs !

En janvier 2018 la Cour Fédérale rend son jugement : interdiction est faite à l'établissement mexicain d'enregistrer leur marque aux USA. Il n'est pas à exclure que l'avis publié sur la page d'accueil soit une conséquence de cette histoire, bien éloignée de l'Art.

La chanson "Hotel California" des Eagles n'a en aucune manière été inspirée par l'Hôtel California à Todos Santos. L'hôtel souhaite informer ses clients qu'il n'y a pas de lien passé ou présent entre l'hôtel et les Eagles, aucun de ses membres, ou leur chant. Toutes les rumeurs ou insinuations suggérant que la chanson est associée ou inspirée par l'hôtel est fausse.

Allez ! Gageons que dans les auberges mexicaines il en aille de même que dans les auberges espagnoles : les clients y amènent leurs propres fantasmes.

Un séjour sans fin à l'Hotel California

Presque un demi siècle après sa sortie, ce slow sophistiqué est devenu incontournable.

Les riffs harmoniques et virtuoses restent une référence pour les professeurs de guitare. En 1990 les lecteurs du magasine Guitarist saluait le "meilleur solo de l'histoire".
Alors que le groupe a décliné plusieurs variantes de ce titre, le postulat reste inchangé comme l'expliquait Glenn Frey :

Nous avons décidé de créer quelque chose d'étrange, juste pour voir si nous pouvions le faire.

Ils l'ont fait ! Et même si le morceau paraît aujourd'hui moins "étrange", il reste toujours magique, ce qui n'a rien d'étrange.

►Paroles et traduction