A notre époque où il faut faire le buzz pour prétendre exister dans le rude monde de la chanson, pour trois petits titres et puis s'en va, cette chanteuse fait figure d'OVNI (Objet Vocal Non Identifié).
Un nom à coucher dehors, Tanita Tikaram, une dégaine old school, une discrétion de violette : a priori, si l'on croit les chroniqueurs musicaux de la fin des 80s, pas un n'aurait parié un carambar™ sur cette jeune fille de 19 ans.
Et pourtant, en un titre, elle imposera son style et 32 ans après, elle continue à sillonner les scènes européennes où son public la retrouve loin des radios et TV faiseuses de mode.
Rencontre discrète avec un talent à l'état pur.
Jeunesse et débuts
Tanita Tikaram est à elle seule la représentation de la mixité britannique et de son empire colonial.
Sa mère est Malaisienne et son père, Indo-Fidjien, fait carrière dans l'armée britannique. Il est en poste en Allemagne, dans la ville de Munster où la jeune Tanita voit le jour le 12 août 1969. Elle entre dans l'adolescence quand sa famille rentre en Angleterre et s'installe à Basingstoke.
On en sait peu sur sa vie privée mais elle connait une jeunesse sage et sérieuse, mais la jeune fille se sent une âme de hippie. En fait, elle-même avoue qu'elle était une "enfant étrange", en marge de la jeunesse paillettes des années 80. Ce qu'elle aime, c'est la musique.
Des débuts fulgurants
Elle fait des débuts sans originalité en se produisant dans des boîtes de nuit et des clubs où elle se fait un public.
Un soir où elle passe sur scène devant un public enthousiaste, Warren Zevon la remarque. Producteur chez Warner, il lui fait signer un contrat.
Elle sort un premier single Good Tradition pendant l'été 1988.
C'est tout de suite un succès en Grande-Bretagne et ce titre entre directement dans le hit britannique.
Dans la foulée, elle sort son premier album Ancient Heart.
Son label mise sur 40 000 exemplaires mais elle doit affronter les critiques de la presse spécialisée britannique, dont le célèbre Smash Hits qui étrille la jeune artiste. Et le moins qu'on puisse dire est que le magazine n'y va pas avec le dos de la cuillère !
"Léonard Cohen de sixième zone", "barde sans humour de Basingstoke", le magazine se gausse de son visage "morose et inexpressif", se demandant si ce sont "ses collants en laine qui lui donnent le cafard".
On ne peut pas plus élégant et la jeune chanteuse en sera affectée :
J'ai un souvenir des collants en laine et d'une minijupe. Je les mettais parce que je les avais portés à l'école", raconte Tikaram avec amertume. "Je ne m'intéressais pas aux vêtements. J'étais une hippie, alors il était étrange de devoir soudainement penser à mon apparence. J'étais une enfant bizarre, de toute façon, alors [la célébrité] n'était qu'une autre chose bizarre qui m'arrivait. C'est mon principal souvenir - et le fait de travailler très dur. (source The Guardian)
Mais Ancient Heart va mettre tout le monde d'accord et renvoyer les critiques de Smash Hits dans le caniveau, lui adressant un beau pied-de-nez : contre toute attente, l'album va s'écouler à 4 M d'exemplaires et squatter les hits pendant un an. En 10 mois Tanita Tikaram est propulsée au sommet. Tandis que le disco agonise au profit de la house, sa singularité tant moquée est son atout.
Un titre va faire le tour du monde, porté par un clip atypique pour l'époque : Twist in my Sobriety.
Le succès est tel que la grande Liza Minelli accompagnée des Petshop Boys en fera une reprise, plus ou moins heureuse - voire désastreuse - et à mon avis parfaitement dispensable.
En 1990, son deuxième album The Sweet Keeper se place à son tour dans les hits et devient disque d'or au Royaume Uni, en Allemagne et en France. En 1991, Everybody's Angel connait également le succès.
Sept ans de réflexion
Ces albums assoient définitivement la notoriété d'auteure-compositrice-interprète de Tanita Tikaram qui entame une grande tournée européenne en 1992.
A son retour, elle sort "Eleven Kinds of Lonelyness", puis en 1995 c'est "Lovers in the City" et enfin en 1998, "The Cappucino Songs".
Si son public fidèle la suit, les ventes sont en baisse et le succès plus confidentiel. Pourtant on y retrouve toute son inspiration, folk, pop, jazz et volontiers moderne sur The Cappucino Songs.
La chanteuse prend alors une décision : mettre sa carrière en pause.
Pour Tanita Tikaram, c'est une nécessité, quitte à prendre le risque d'un arrêt de sa carrière. En s'en expliquera dans une interview accordée en 2016 :
Je crois que quand vous êtes jeune, que vous commencez jeune, vous ne savez pas nécessairement pourquoi vous faites les choses, d’autant plus lorsque vous avez beaucoup de succès sans avoir l’impression de l’avoir mérité. Et puis, je voulais juste être une jeune femme comme toutes les autres, qui cherche son identité, qui fait l’expérience de la vie. Et, tout ça, je n’avais pas envie de le vivre publiquement. (source Euronews)
Effectivement, pendant ces presque sept ans, elle se retire complètement du showbiz et se consacre à sa vie personnelle et sa vie de couple avec sa compagne.
Les retrouvailles avec son public
A la grande joie de son public, nostalgique de son inspiration mélancolique, un peu torturée parfois, mais toujours poétique, Tanita Tikaram revient en 2005 avec l'album "Sentimental" qui se vendra à 100 000 exemplaires ce qui est pas mal pour une chanteuse qui [re]débute.
Certes, ce n'est plus le succès de son adolescence mais elle a la satisfaction d'écrire et de faire ce qui lui plait sans les contraintes des majors qu'elle a quittées pour des labels plus confidentiels. Désormais, elle prend son temps pour composer.
Elle sort "Can't go back" en 2012 puis en 2016 "Closer to the People" qui mêle les diverses inspirations de la chanteuse avec une touche de modernité.
Depuis son retour en 2005, elle continue à se produire sur les scènes européennes, entourée de son groupe qui est sa famille musicale et son public répond "présent".
Bien dans sa peau, bien dans sa tête, Tanita Tikaram elle ne fait pas le buzz : elle n'en a pas besoin. C'est peut-être à ça qu'on reconnait le talent pur.
Bonjour
RépondreSupprimerc'est vrai qu'a part son tube Twist in my Sobriety,
je ne connais pas le reste
plaisir de decouvrir ta selection
merci
Bonjour Phil
SupprimerSa personnalité, naturelle et hors showbiz font que le public lui est fidèle pour ce qu'elle est. C'est plutôt rare.
Comme je l'écris souvent dans les réponses aux commentaires, nous avons généralement la fâcheuse tendance à ne voir que ce qu'on nous met sous le nez, et quand on retire le produit de la tête de gondole, on oublie.
Du coup, on passe à côté de très beaux moments de musique.
oh mais quelle voix.... j a do re... et je ne connaissais pas tu te rends compte ? trop bien je me remets à l écoute de ce clic... gros bisous
RépondreSupprimerBonjour Chris
SupprimerJe ne suis pas étonnée car si on a beaucoup entendu le titre Twisted... ce fut silence radio sur les media dits "mainstream".
Pas assez "bankable" comme on dit de nos jours en mauvais français.
Kiss kiss !