Mais puisqu'on te dit que c'est l'printemps !

C'est encore le printemps #2

 Le printemps est LA saison où chansons et musiques fleurissent comme pâquerettes dans les prés. D'un continent à l'autre les artist...

05 février, 2024

Aston "Familyman" Barrett - La mort d'une légende

 "C'est l'arbre qui cache la forêt".

Cet adage pourrait s'appliquer au monde musical, entre autres domaines culturels, où un nom éclipse tous les autres, faisant oublier les acteurs de l'ombre.
Comme dans le reggae par exemple.

Pour les profanes, quand on dit "reggae" on pense in petto à Bob Marley.

Mais pour les rastas, derrière le Pape du Reggae et son succès planétaire, se cache un musicien sans qui l'histoire de Bob Marley aurait pu ne jamais être écrité : Aston Barrett.

Aston Barrett : le pionnier du reggae

Aston Barrett voit le jour le 22 novembre 1946 à Kingstown.

Adolescent, il écoute la soul venue des USA, portée par les voix de James Brown, Stevie Wonder ou Curtis Mayfield. Il veut devenir chanteur, comme ses modèles mais, comme il le reconnaîtra lui-même dans une interview accordée à Bass Player en octobre 2007, il ne travaille pas sa voix de baryton. Ça n'empêchera pas d'occasionnelles interventions vocales, remarquées.

Cet amoureux de la musique, en compagnie de son frère Carlton, baigne dans le son jamaïcain des années 60 : le ska et le rocksteady. En écoutant les bassistes leaders de l'époque, c'est une révélation.

Et quand j’ai décidé d’écouter profondément la musique – toutes les différentes sections et tous les instruments qui jouent – ​​j’ai réalisé que la basse est l’épine dorsale et la batterie est le battement de cœur de la musique. Donc, dans nos premières années, mon jeune frère Carlton s'est chargé de la batterie, et j'ai pris la basse et j'ai décidé que j'allais la construire bien mieux dans cette autre perspective. Alors d’abord, j’ai fabriqué ma propre basse.

De la bidouille à la reconnaissance

La Jamaïque est loin d'être un modèle de prospérité à l'ombre du Royaume Uni.

Pas question d'acheter des instruments, rares et financièrement hors de portée.
Mais les deux frères sont motivés et inventifs.

Un cendrier en bois, un morceau de contreplaqué et une tringle à rideaux deviendront la première basse d'Aston tandis que Carlton se fait une chouette batterie avec des pots de peinture de différents formats.
Les deux "Mac Gyver" de la rythmique se lancent dans de grandes séances de drum and bass, ou dub, et ils se forgent une certaine réputation.
Les frères Barrett ne sont pas que de géniaux débrouillards se contentant de reproduire ce qu'ils entendent. Ils sont également des explorateurs qui testent de nouvelles lignes rythmiques, avec des tempos et des mélodies
Les deux frères ne le savent pas encore mais leurs explorations musicales vont un jour sortir de la Jamaïque conquérir le monde.


Quand enfin les deux frères accèdent à du matériel digne de ce nom, leur jeu particulier attire l'attention.
Ils fondent leur groupe, les Hippy Boys avec le chanteur Max Romeo (dernière légende vivante du reggae qui a fait sa tournée d'adieu l'an passé) et sont sollicités par d'autres groupes et producteurs, séparément.
Le jeune producteur Lee Perry réunit les deux frères pour assurer la rythmique sur Clint Eastwood des Upsetters.


 Bien qu'ils n'en soient pas inventeurs, le dub des frangins emmené par la basse puissante et mélodique d'Aston va définitivement marquer l'identité du reggae.
Pour l'heure, Lee Perry intègre les Barrett au sein des Upsetters qu'il emmène en tournée en Angleterre. C'est la toute première fois qu'Aston et Carlton Barrett quittent leur île natale.

Bob Marley and the Wailers : la consécration

Un jour de 1969, un jeune chanteur local frappe à la porte de Lee Perry, un certain Bob Marley. qui avec deux autres musiciens, Bunny [Wailer] Livingston  et Peter Tosh, a fondé un groupe, The Wailers. Le jeune chanteur veut faire évoluer le son du groupe qui œuvre dans un registre ska et rocksteady.

Lee Perry accepte et les Wailers et les Upsetters enregistrent ensemble un morceau, My Cup. L'alchimie entre la basse dynamique d'Aston Barrett et la voix de Bob Marley est évidente et immédiate.
Les deux frères quittent The Upsetters et l'écurie Lee Perry pour rejoindre The Wailers.

Le reggae vient de trouver son identité.

Des dissentions pousseront Bunny Wailer et Peter Tosh à poursuivre leur carrière sans les Wailers, ce qui fait apparaître que l'ossature de The Wailers c'est Bob Marley et Aston Barrett.
Roger Steffens, considéré comme un des plus grands spécialistes du reggae en général et de Bob Marley en particulier, écrira :

Tant qu'il y a Familyman à la basse, le groupe peut s'appeler les Wailers

Un avis quasi unanimement partagé.

Pourquoi Familyman (ou aussi Family Man) ?

La première explication tiendrait dans le fait qu'Aston Barrett est un homme qui aime les enfants puisqu'il en aurait 40 selon Wikipedia ou 52 selon le journal britannique The Guardian qui a couvert ses démêlés juridiques avec la veuve de Bob Marley, Rita, à qui il réclamait 60 M de livres sterling de royalties pour assurer l'avenir de sa nombreuse progéniture. A noter qu'il sera débouté.

La seconde tiendrait dans la conception et l'idée qu'il avait du groupe, et de sa philosophie.
Pour Aston Barrett Bob Marley and The Wailers étaient une famille à part entière à qui il est resté fidèle jusqu'à la mort de Bob Marley. en compagnie de son frère Carlton (qui sera assassiné en 1987), sur scène comme en studio.

Après la mort de Bob Marley, sa veuve Rita continue de faire vivre The Wailers mais Family Man ne participera plus qu'à quelques sessions d'enregistrement.
Il poursuit sa carrière auprès des grands noms du reggae, Max Romeo, Burning Spear, Peter Tosh, Bunny Wailer, Alpha Blondy et bien d'autres.

A 77 ans, celui que beaucoup considèrent comme le fondateur du son reggae a perdu son combat contre la maladie ce 4 février mais il laisse un héritage musical est inestimable.

Le message et la musique se rejoignent. Tout est dans l'expression. Nous avons une mission à accomplir et nous savons qu"elle doit être accomplie par tous les moyens. Alors quand nous chantons une chanson comme Revolution, c'est un son impérieux et militant. Il faut être aussi impérieux que les paroles, pour que les paroles se distinguent dans la foule.



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