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Vous rendez-vous compte que nous sommes déjà au quart du 21 ème siècle ?! C'est fou, non ? J'espère que vous avez tourné la page 20...

30 novembre, 2021

Joséphine Baker entre au Panthéon

Aujourd'hui les jeunes générations vont entendre un nom prononcé sur toutes les chaînes d'infos, celui de Joséphine BAKER.

Un nom du passé à leurs yeux, ce qui se comprend aisément, et pourtant plus moderne que Joséphine BAKER, difficile à trouver à l'heure actuelle où les postures pour la TV et les réseaux pseudo sociaux prennent le pas sur les actes.

La "panthéonisation" de Joséphine BAKER aura fait, et va faire, couler beaucoup d'encre et chauffer de nombreux claviers, au risque de faire passer au deuxième plan l'extraordinaire parcours de cette femme fichtrement plus crédible que les wokistes de salons.

Billet d'humeur.

 

 Joséphine Baker, un modèle français


Qui aurait pu prédire que la petite Freda Josephine McDonald, née le 3 juin 1906 dans une famille très pauvre de Saint-Louis (Missouri), reposerait un jour dans le temple des "grands hommes" français, le Panthéon ?
Probablement personne.

Pourtant son parcours est un modèle pour ceux qui se vautrent aujourd'hui dans le lit fangeux des idées les plus réacs et qui en appellent à tous les grands hommes plus ou moins fréquentables de l'histoire contemporaine, de Pétain à Martin Luther King, en passant par de Gaulle.

D'aucun me dira que peut-être j'en fait trop mais j'assume : pour la petite métisse qui découvrait le racisme, tant social que familial, Joséphine BAKER fut la référence qui me permit de tenir bon sans tomber dans le racisme inversé et le complexe racial.

 

Intégration, patriotisme et tolérance

Dans les années 1920, il en fallait du courage pour tenter de sortir de la misère à laquelle la ségrégation condamnait les Noirs d'Amérique.
Il en fallait également pour se hisser au statut de star sur les scènes parisiennes et oser mettre le public le nez dans son propre racisme, armée d'une ceinture de bananes, d'une plastique irréprochable et d'un talent affirmé.

Il s’agit bien ici de se moquer des blancs et de leur manière de gérer les colonies car la France, bien que moins raciste que les États-Unis, a tout de même des progrès à faire concernant les gens de couleurs et leur insertion dans la société ! (Archives Julien Riou)


En épousant Jean Lion le 30 novembre 1937, Joséphine BAKER acquiert ce jour-là la nationalité française. Elle ne l'oubliera pas.

Car là aussi il lui fallut du courage pour s'engager dans le Renseignement, mettant à profit sa notoriété pour collecter des renseignements précieux pour les Forces Françaises Libres et remonter le moral des troupes. Rares furent les stars françaises à s'engager ainsi.

Elle sera décorée de Légion d’Honneur civile, de la Médaille de la résistance et de la Croix de guerre avec palmes, dans la cour de son château le 19 août 1961(décret du 9 décembre 1957).

Puis ce fut cet autre combat pour la tolérance avec cette "tribu arc-en-ciel", 12 bambins adoptés, de toutes les couleurs et de toutes les religions.

Récupération politique et clichés à gogo

Contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, Emmanuel Macron n'est pour rien dans la proposition de faire entrer Joséphine BAKER au Panthéon.
L'idée fut proposée en 2013 par Régis Debray qui écrivait une tribune enflammée dans le Monde :

Des Folies-Bergère au suprême sanctuaire ? De la ceinture de bananes à la couronne de lauriers ? Profanation ! Le Front national accusera. Le burgrave gémira. La vertu hoquettera. Si le kitsch consiste, comme le dit Kundera, à « se regarder dans le miroir du mensonge embellissant et s’y reconnaître avec une satisfaction émue », rien ne serait plus dépaysant, moins hypocrite et narcissique, que de hisser cette Américaine naturalisée en 1937, libertaire et gaulliste, croix de guerre et médaille de la Résistance, au cœur de la nation. Elle est à hauteur d’homme.

Fidèle à son habituelle détestation du conflit, le locataire de l'Élysée de l'époque, François Hollande, ignorera totalement la proposition et pendant huit ans cette proposition roupillera tranquillement.

Le choix du prince

Entre les mouvements #metoo et son pendant français #balancetonporc et celui des Black Live Matter, il faut reconnaître que le choix dut être cornélien pour Macron.
Entre Gisèle Halimi, vibrionnante avocate franco-tunisienne des droits des Femmes mais également du FLN algérien et Joséphine BAKER, Emmanuel Macron n'a probablement pas hésité longtemps car le choix de la première eût été éminemment casse-gueule, sinon provocateur, tandis que le Göbbels français va annoncer officiellement sa candidature à la Présidence aujourd'hui.
Pour Zemmour qui rêve tout à la fois de bouter Noirs, Arabes, musulmans hors de Gaule et de remettre la femme aux fourneaux, le premier choix aurait été un aiguillon prompt à déclencher un nouveau flot de haines recuites.

Le choix de la seconde offrira quant à lui, l'opportunité au locataire de l'Élysée de se poser en donneur de leçons à tous ses adversaires sur le féminisme, le patriotisme et bien sûr la tolérance, oubliant (ou tentant de faire oublier) sa blague crado sur les kwassa-kwassa, versions exotiques des Zodiacs qui affrontent les flots de la Manche.

Ringardisation des BLM made in France

Comme toujours avant de rédiger un billet, je ne peux m'empêcher de parcourir les media, "mainstream" ou pas, pour prendre le pouls. Et vlan ! Ouvrons la boîte à clichés !

Je ne peux résister au plaisir venimeux de citer l'infatigable Rokhaya Diallo dont l'immense rayonnement intellectuel ne cesse de m'éblouir ¿ Je ne remets pas en cause ses talents de documentariste engagée mais plutôt sa vision en champ serré qui lui fait aborder l'entrée de Joséphine BAKER sous un jour qui m'interpelle :

Le nom de Joséphine Baker convoque en moi des sentiments contradictoires. Admirative de la résistante héroïque, la femme noire que je suis a toujours été embarrassée par l’image de son corps présenté comme exotique. Et ces bananes qui ornaient ses hanches me rappellent celles jetées à la figure des footballeurs ou à celle de Christiane Taubira – tous assignés, à travers ce fruit, à une humanité inexorablement primitive

Ne vous en déplaise Madame Diallo, oui, en 1930 le corps de Madame Joséphine BAKER était exotique mais elle en a fait une arme idéologique et eussiez-vous lu ses déclarations (voir plus haut) peut-être alors l'eussiez-vous compris ! Là où les BLM veulent faire table rase de leur histoire (au risque de faire oublier les raisons d'une colère justifiée), Joséphine BAKER s'en servait pour montrer et dénoncer.

J’admire la grâce avec laquelle elle s’est imposée au cours d’une période où les visages noirs étaient rares dans la sphère publique et où les corps des femmes étaient contraints.

Ite missa est ! Dans son billet, la "journaliste" n'aura qu'un mot sur l'engagement résistant ou sur le combat pour la tolérance de l'artiste franco-américaine. Pas même un mot sur son engagement auprès de Martin Luther King lors de la marche pour les Droits Civils !


Du Panthéon à la Nation ou réflexion faite

Ce qu'il faudra retenir tout à l'heure, ce ne sont pas les envolées politico-lyriques (et très probablement une énième référence aux Lumières !) du despote pas vraiment éclairé qui exploitera un filon médiatique.
Ce ne seront pas les discours d'une caste figée dans la solennité factice d'un hommage.

Ce qu'il faudra retenir, c'est la formidable leçon de vie d'une femme née ailleurs, que tout séparait d'une société figée dans son conservatisme, son racisme étatique, institutionnel et social, un racisme ordinaire.
A l'instar de Simone Veil qui l'a précédée au Panthéon, Joséphine BAKER a imposé sa vision de l'humanisme et cette cérémonie à venir devra nous faire réfléchir sur la société que nous voulons pour nous et pour nos petits-enfants.

Pour finir en chanson, ce refrain qui se chantait dans toute l'Europe occupée, dans l'interminable attente de la Libération.

Joséphine BAKER, artiste résistante.

 

 

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