Ben Harper & Charlie Musselwhite - No Mercy in this Land

 No Mercy in this Land (Pas de Pitié dans ce Pays/sur cette Terre), sorti en mars 2018, c'est l'album de deux hommes qui par-delà leurs différences partagent plus que ce qui les sépare.
Deux étaient mais n'avaient qu'un seul blues

Que Montaigne me pardonne cet emprunt mais c'est le blues qui réunit ces deux talents en 1993 par l'entremise d'un autre géant.
Car a priori ces deux-là auraient pu ne jamais se rencontrer.

Paris le 14 février 2018 - AFP.com/photo Gérard Julien

 

En noir et blanc pour le blues

Charlie Musselwhite nait en 1944 dans le Mississippi mais il sera élevé par sa tante à Memphis dans le Tennessee.

Il fera ses classes essentiellement dans la rue et vivra la vie des blancs pauvres à travers des petits boulots qui lui permettent tout juste de survivre.
Plongé dans le bouillonnement musical de Memphis, il apprendra l'harmonica avec des pointures locales.
Ouvrier dans une filature de coton, vendeur de lait mais aussi d'alcool frelaté (alors que lui-même est sobre comme un chameau), autant de boulots habituellement réservés aux Noirs. C'est à leurs côtés que Charlie Musselwhite apprend à connaître et aimer cette musique qui lui parle au cœur : le blues.

Le blues est le reflet de ce qui se passe dans nos vies. A ceci près qu'il réconforte quand on va mal. On chante le blues aussi bien pour dire que son amoureuse est partie, que pour raconter comment elle va finir par revenir

Ce Blanc qui a tout compris au blues aligne 50 ans de carrière, d'abord en accompagnant les grands noms du genre puis en solo.

De 26 ans son cadet, Ben Harper nait en octobre 1969, en Californie.

Issu de la classe moyenne, c'est dans le magasin fondé par ses grands parents, le Folk Music Center and Museum, qu'il tombe dans le chaudron musical.
Il apprend la guitare acoustique.
Si le blues reste la base de sa musique (son style s'inspire du slide utilisé par les bluesmen du delta du Mississippi), il explore d'autres styles dont le rock mais aussi le reggae, les mêlant si intimement qu'on parle du "style Ben Harper".

Ce que je sais, c'est que quand on joue et on chante du blues, on se sent mieux. Alors avec un peu de chance, ceux qui l'écoutent se sentent un peu mieux aussi

No Mercy in this Land : un poème de deuil

Écrit en 2017 et sorti en 2018, No Mercy in this Land l'album, marque chez les deux hommes le deuil d'une certaine Amérique et de ses valeurs.
L'un et l'autre vivent les années Trump avec douleur et incrédulité, évoquant un retour en arrière "écœurant". Si écœurant et "toxique" que Ben Harper a choisi de vivre en France et n'envisage pas un retour aux États Unis.

Le titre éponyme est un des premiers titres de l'album écrit par Ben Harper et dédié à Charlie Misselwhite.

Ben Harper y évoque l'assassinat de la mère de ce dernier, à l'âge de 93 ans, devant une boutique de prêteur sur gage en 2005. Abandonné par son père dès son enfance, ce drame a profondément affecté l'harmoniciste en le plongeant dans un immense vide.
Pour les critiques, c'est un des titres les plus sombres écrits par Ben Harper et celui-ci hésitera d'abord à le présenter à son complice.
Outre la question de l'impossible pardon et du deuil personnel, c'est aussi un poème de deuil d'un monde où rêve et vie spirituelle se meurent.
Pour Charlie Musselwhite, c'est ça aussi :

 C’est une guérison, un moyen de faire briller à nouveau le soleil sur ce qui en a été privé.

► Paroles et traduction