Maxime le Forestier : premier album (1972)

Si certaines chansons sont intemporelles, d'autres marquent une époque et posent des jalons générationnels et sociétaux, voire idéologiques.

Quatre ans après 1968, même si les rues avaient repris visage urbain et que les révolutionnaires de l'époque allaient devenir les bourgeois de demain (n'est-ce pas M. Cohn Bendit !), les enfants étaient devenus des pré-ados, les élèves siégeaient aux conseils de classe et aux conseils d'administration des bahuts et ils comptaient bien finir le boulot !

En 1972 Maxime le Forestier, jeune auteur compositeur de 23 ans, sort son premier album à la fois sentimental et contestataire avec des tubes qui traverseront le temps : San Francisco, Mon frère ou encore Education sentimentale.

Mon disque de chevet

Et alors ? On a bien des livres de chevet !

En ce temps là, j'avais déjà des opinions bien affirmées. Depuis un an je me posais de grandes questions métaphysiques sur mon avenir. Le prêtre de ma paroisse m'avait trouvé un collège où préparer mon noviciat (le premier qui rigole prend une baffe !). En constatant comment l'Église traitait certains serviteurs de Dieu et comprenant certaines choses, je mis de l'eau bénite dans mon vin de messe, où on ne me vit plus guère.
Les évènements de Mai 68 m'ont durablement marquée.

68 sous les pavés... les flics (France3) - Archives Pathé Marconi

Me rappelant les Renault et les Snecma défilant sous mes fenêtres en chantant l'Internationale, je pris ma décision ! La solidarité humaine pouvait être laïque. J'abandonnais l'idée du voile et pris ma carte à la JC, non pas pour Jeunesse Catholique mais pour Jeunesse Communiste.
En 72 ce fut ma première marche contre la réforme des sursis de Michel Debre et mes premiers coups de matraques... au coude-à-coude avec la Jeunesse Catholique et les curés !

A Valence, en plein milieu du boulevard, il y avait la Maison de l'Armée. Nous étions nombreux, pour une si petite ville, environ un millier.
Sitting devant l'entrée principale et après l'incontournable "Debré si tu continues, tu seras pendu par la peau des fesses, Debré si tu continues, tu seras pendu par la peau du cul", nous nous sommes mis à chanter Parachutiste à tue-tête ! Réaction immédiate : une trentaine de jeunes troufions sortent en panique, fusils mitrailleurs à la main ! Si les appelés étaient plutôt bienveillants, les engagés ont moins apprécié !
Et nous de beugler "Mais si t'es vraiment trop gêné d'être payé à ne rien faire, tu peux toujours te recycler chez tes p'tits frèreuh ! J'crois qu'on embauche dans la poliiice, parachutisteuh ! ♫".

Ce chant antimilitarisme alimenté par les cicatrices de la guerre d'Algérie ou celle du Vietnam où on napalmait les villageois sans distinction de camp ni d'âge, fut notamment repris par Joan Baez au cours de manifestations anti guerre aux USA.

Ah tiens ! Rien que d'y penser, j'en ai les larmes aux yeux !

Un album mythique

Tout en poésie, ce premier album évoque des thèmes aussi militants que sentimentaux. L'écologie, avec Comme un arbre, les premières amours avec l'Éducation Sentimentale, l'usure de l'amour et la liberté (La Rouille).
Deux singles extraits de cet album marqueront les générations et traverseront le temps : Mon Frère et San Francisco deviendront deux tubes incontournables des concerts de Maxime le Forestier.

Ces titres nous accompagnèrent longtemps, des années plus tard, quand approchaient les vacances et que nous faisions cours sur les pelouses, donnant à nos lycées de province des airs de campus américains, car après une demie-heure ou trois quarts d'heure, il y avait toujours quelqu'un pour sortir une guitare de sa housse et de la beu de sa besace. 

Nostalgie d'une époque humaniste sur fond de poésie avant que le Forestier ne devienne le Cohn Bendit de la chanson.