Le marketing c'est un métier !
Les plus anciens se rappellent certainement le gros flop du modèle Renault 14 lancée à grand renfort de pubs qui exploitaient la forme gourmande d'une poire de ce nouveau modèle. Mais ces publicitaires de génie (et la Régie qui a validé le projet) ont oublié un détail : le vocabulaire populaire. Sanction immédiate des consommateurs qui n'apprécient guère qu'on les prennent pour des... poires.
Or, une bonne campagne publicitaire repose sur l'image mais également sur le son, qu'il s'agisse du slogan ou de la musique.
Étant par nature une diptérophile assumée, certaines pubs me titillent par leur incongruité : faire jouer un Requiem (celui de Verdi par exemple) pour me vendre une bagnole ne me parait pas de bon augure : essaierait-on de me fourguer un cercueil roulant ?
Et dernièrement (bien que la pub ait été lancée en 2020) c'est cette pub qui a attiré mon attention
M'enfin ! Il est où le problème ?
Les origines d'un tube
Il faut remonter le temps et traverser l'Atlantique pour pister les origines de ce qui allait devenir un tube universel.
La genèse
Direction l'Argentine en 1936.
Angelo Cabral, chanteur et compositeur, et Enrique Dizeo, poète et parolier de tangos, vont associer leurs talents respectifs pour composer une chanson qui reprend la structure d'un genre alors en vogue au Pérou, la valse "criollo" ou créole (d'où la légende de son origine péruvienne).
De leur association nait la chanson "Que nadie sepa mi sufrir" (Que personne ne connaisse ma souffrance),
Le premier interprète connu est Hugo del Carril, réalisateur, scénariste, acteur mais également chanteur.
Que nadie sepa mi sufrir va cartonner sur le continent sud américain, et jusqu'à une station de radio new-yorkaise.
Elle sera maintes fois reprise et interprétée par divers artistes sud américains.
La traversée de l'Atlantique
En 1953 c'est le chanteur argentin Alberto Castillo qui en enregistre une nouvelle version, toujours sous son titre original mais avec de nouveaux arrangements.
Cette même année, dans le cadre d'une tournée latina-américaine, une chanteuse française se produit sur les planches du Teatro Opera de Buenos Aires. C'est Édith Piaf.
Ce serait à cette occasion que la vedette française aurait découvert cette version d'Alberto Castillo et elle veut la chanter. Et ce que Piaf veut...
De retour de tournée, Édith Piaf met Michel Rivgauche au travail. Michel Rivgauche, parolier que s'arrachent les grands noms de la chanson française, va totalement réécrire le texte tout en conservant les arrangements de la version d'Alberto Castillo.
Un succès international
1957 : Édith Piaf lance sa nouvelle chanson, La Foule.
Alors que les paroles originales d'Enrique Dizeo relatent la peine mais aussi le dépit d'un amant trompé, Édith Piaf immortalise un coup de foudre, la rencontre éphémère d'un homme et d'une femme ballotés par la foule qui les séparera aussi rapidement qu'elle les a fait se rencontrer, laissant une femme hébétée.
La Foule fait un véritable tabac et enthousiasme le public, tant par le côté dramatique des paroles que par la musique qui illustre l'impitoyable tourbillon qui sépare ces deux êtres qui ne seront jamais amants.
La chanson fait un carton à l'étranger, où elle est considérée comme un titre franco-français d'Édith Piaf.
En Argentine aussi la chanson fait un carton... rouge.
Et à juste titre semble-t-il car ni la vedette française, ni son parolier, ni sa maison de disques ne se sont embarrassés de ces viles considérations que sont les droits d'auteur ou même les droits d'adaptation ! La chanteuse a endossé sereinement la maternité de ce succès.
Le retour aux sources
On comprend la colère des Argentins qui n'hésitent pas à parler de vol (plutôt à juste titre).
Mais paradoxalement, c'est cette reprise d'Édith Piaf qui va réintroduire ce titre en Argentine en 1958 sous le titre de Amor de mis Amores (qui est la première phrase du refrain original).
Justice sera alors rendue à Angelo Cabral qui rentrera dans ses droits d'auteur et pas qu'un peu ! Car le succès de La Foule est tel à travers le monde que la chanson sera reprise un nombre indéterminé de fois, le plus souvent en espagnol, sa langue d'origine mais aussi en hébreu !
Pour le plaisir, je vous ai sélectionné quelques reprises qui m'ont bien plu... ou pas !
♥ La version de Carmela (Carmen Requeta, à ne pas confondre avec l'actuelle Carmela) accompagnée par le grand Paco Ibañez (1964)
♥ La version de Los Machucambos, groupe multi nationalités fondé à Paris en 1960, avec cette version de 1966, sous son titre original
♥ La version du Français Paco (François Berthelot, ça fait moins rêver) qui relance la chanson en 1988 sous le titre de Amor de mis Amores en une version qui enflammera les discothèques.
♥ La version de Florent Pagny, sous son titre d'origine, sortie en janvier 2009
Ma conclusion
A la lecture de ce billet, vous l'aurez compris Amis Lecteurs, je m'étonne que des publicitaires dont je m'attends qu'ils soient bien plus cultivés que je ne le serai jamais, aient choisi un tube argentin pour défendre un "sandwich" pensé pour le marché français.
Bien que je doute que le flop de ce produit depuis sa sortie l'année dernière soit dû au choix de la musique de la pub, celui-ci n'était pas particulièrement approprié. A ressortir quand la marque lancera ses empenadas :)
Au moins ce choix aura-t-il eu l'avantage de parfaire notre culture musicale, ce qui est un bien en soi. (et ça ne fait pas grossir !)
Hello Pix...
RépondreSupprimerEnfin de retour de cette île si insolite, si curieuse avec ses 1000 enfin 110 volcans.
Bon ben te v'là ailleurs.
Bien ton blog, presque pareil....
Moi j'attend l'immigration...Heu le migration et je verrai.
Bonne soirée ma belle avec de gros zous.... ♥
Aimée
Bonjour Aimée !
SupprimerOulà ! Tu aimes vivre dangereusement ! J'attends avec impatience ton carnet de voyage en images.
Oui, j'ai voulu garder son identité visuelle, enfin... à peu de choses près car je patauge dans les codes ! Mais j'ai sauvé les meubles.
Bisous
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RépondreSupprimerbon ils ont pensé Piaf je suis certaine que tout comme moi ils ignoraient la génèse de ce morceau (de musique pas de pain)... bon ils auraient savoir... en tous cas j ai appris plein de choses... gros bisous
RépondreSupprimerCoucou !
SupprimerAh ! J'ai fait des déçus avec ce billet lors de sa parution sur Ekla !
A l'origine je connaissais l'origine de ce titre mais je n'avais pas retenu le nom de son créateur. Du coup, quand j'ai vu cette pub, savoir qu'on utilisait un air argentin pour soutenir un produit pseudo français, ça m'a fait rigoler ! Comme jouer un requiem pour vendre une voiture ! Hhhha !
Bisous
Salut,
RépondreSupprimerparfois la pub depasse l'entendement humain, on a de la belle ouvrage ou de la catastrophe, et parfois on nous matraque des conneries pour notre part de cerveau disponible
certaines musiques, oui, elles vont bien avec la reclame (tiens je parle comme un vieux, lol)
parfois je prefere la pub radio a celle de la tv, car là y a du matraquage de belles conneries
Vendredi c'est le jour
Ou Je fais mon petit tour
Pour vous souhaiter les amis
Un weekend bien joli
Entre pluies et soleil
On va vivre ces journées
Pas toujours des merveilles
Mais un printemps mitigé
Bonjour ami Poète
RépondreSupprimerRadio/TV même combat. Je te rappelle que le but est de vendre.
A chacun de faire preuve de discernement pour ne pas subir.
Cela dit, je ne sais pas si tu te rappelles la M4A Radio 100 % Pub mais la pub peut aussi être un vecteur culturel. Ainsi, pour ma part, je lui doit mon ouverture sur la musique classique.
Bon vendredi comme dirait Robinson
Bonjour , je suis venue voir "La foule" j'aime bien l'interprétation de Los Machucambos, très beau, j'aime ! merci !
RépondreSupprimerHello Mamyvel
SupprimerSi d'un côté je remercie Piaf et son staff d'avoir popularisé cette chanson, je n'en trouve pas moins le procédé inadmissible.
La version de Carmela me plait bien aussi ;)